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Déclaration liminaire Instance collégiale DH du 15 juin 2021 : « Y aura-t-il des « jours heureux » pour les Directeurs d’hôpital? »

Nous venons de dresser récemment le bilan de l’instance collégiale.

Si certains éléments statistiques restent à consolider, plusieurs enseignements peuvent en être tirés :

  • Malgré un calendrier qui multiplie les publications, le délai de prise de fonctions n’est pas considérablement raccourci avec 1 mois de moins ;
  • La multiplicité des parutions, si, fort heureusement, elle n’a pas fortement obéré le nombre moyen de candidatures, déroute bon nombre de collègues et ne permet pas parfois à l’IC elle-même de jouer à plein son rôle sélectif avec d’un chevauchement de publications encore mal maîtrisé
  • Le format chaotique de certaines parutions nous éloignant d’un dialogue social de qualité a certes pu être surmonté mais interroge toujours sur les lacunes de GPEC des plus hauts emplois.

« Beaucoup de bruit pour (presque) rien » en termes de changements, avec au passage le sacrifice du fait paritaire et de la (vraie) collégialité avec un mode de vote qui rend l’Etat souverain en cas de difficultés.

Mais plus que les questions organisationnelles, c’est davantage la réalité de nos conditions d’exercice au quotidien, l’absence de débouchés suffisamment nombreux et à la hauteur des responsabilités exercées et l’absence d’engagement concrets sur de nouvelles et indispensables des discussions statutaires qui sont les sujets de préoccupation concrets des directeurs d’hôpital.

Dans un contexte des plus tourmentés malgré l’abaissement du seuil épidémique (mais pour combien de temps ?), chacun redoute de ne pas être soutenu dans le retour à une vie d’hôpital supposée normale mais qui reste :

  • Alourdie par des tarifs certes pluriannuels mais inadaptés avec l’intégration de l’impact du Ségur et après de dernières délégations sur l’exercice 2020 qui laissait entrevoir un resserrement significatif de l’évaluation des charges restant à couvrir ;
  • Sans véritable choc de simplification, pourtant brandi comme condition sine qua non à l’apaisement des communautés accablés par les sur sollicitations des tutelles ;
  • Alors que le retour des « jours heureux » promis par la vaccination peine encore à s’imposer avec des hésitations des populations ;
  • Avec des communautés hospitalières épuisées et sans nombreuses perspective d’avenir alors que le fossé entre une dynamique certaine d’un secteur privé très tôt désengagé du covid et un secteur public toujours plus mobilisé mais exsangue, s’aggrave.

Dans ce contexte, les directeurs pourtant aux avant-postes de la crise, qui ont certes reçu les félicitations du ministre en visio pour les conférences, n’ont toujours pas bénéficié d’une quelconque attention supplémentaire de la part des pouvoirs publics.

Plus lourd encore est le message qui leur est passé, au milieu de remerciements pour une action enfin considérée comme sans faille, de bien veiller à ce que la gouvernance (sous entendue celle d’avant la grande confusion générée par la combinaison Loi Rist-ordonnance) soit la plus accompagnante possible pour entrer dans l’ère nouvelle dessinée par ces textes.

Désignés une nouvelle fois à la place des pouvoirs publics comme boucs émissaires d’une supposée situation de « détresse de la gouvernance » notamment médicale, ils ne sont d’ores et déjà plus considérés comme les facilitateurs et accompagnateurs du changement qu’ils ont toujours été, tels qu’ils se sont illustrés pendant la crise.

C’est injuste et décevant, face à un climat social qui se tend dans les établissements, face aux déceptions engendrées par des revalorisations Ségur que certains jugent déjà insuffisantes. Ce sont donc de réelles mesures qui devront être proposées au-delà des effets d’annonce et des maladresses liées à la gouvernance.

A ce propos, nous serons vigilants au contenu de l’instruction CLARIS, laquelle ne doit pas conduire à rouvrir des débats stériles mais au contraire, dans la lignée du rapport du même nom, donner des outils, des clés pour une gouvernance équilibrée qui respecte les responsabilités et missions de chacun.

Nous le dirons à nouveau à la DGOS mercredi, lors d’un de ces trop rares rendez-vous.
Nous dirons aussi combien l’absence de programmation sur les impératifs statutaires est très mal vécue par des collègues déjà cruellement atteint par les lacunes désormais incontestables du système.

Un exemple ? La liste actualisée des emplois fonctionnels !

Elle arrive chaque année à une date inconnue, elle comporte autant de rétrogradations que nécessaire pour se caler sur l’inique découpage des groupes d’emplois dont nous ne cessons de dénoncer les effets délétères et qui ne nous est plus transmise par le DGOS sous un format permettant le traitement fiable et simple des données la composant (En effet, le SMPS a demandé à la DGOS, à plusieurs reprises et à échéances régulières, de lui fournir les fichiers budgétaires comportant le classement des établissements par addition de tous leurs budgets en direction commune, sans obtenir gain de cause).

Les collègues ne comprennent pas le mépris donné à la réalité de leur travail dans des ensembles territoriaux vastes et exigeants, au service des populations.

Ce dispositif va d’ailleurs s’aggraver dans quelques jours si rien n’est fait, car au 30 juin 2021, l’impact permettant de compenser la perte ou du déclassement de l’emploi fonctionnel sur la rémunération des collègues concernés (décret n°2018-584 du 5 juillet 2018) va disparaître. Ce texte est d’ailleurs un autre exemple de myopie de l’Etat qui imaginait sans doute que les mouvements territoriaux cesseraient un jour.

Déjà fortement impactés par l’augmentation du nombre de directions communes, les emplois fonctionnels se retrouvent une nouvelle fois réduits, avec par exemple 6 établissements qui sortent du groupe 3.

Les quotas comme les conséquences pour les emplois soumis à un changement de groupe apparaissent injustes et surtout peu intelligibles pour les collègues concernés.

Plusieurs autres sujets qui font partie de la plateforme statutaire que le SMPS a adressée aux pouvoirs publics :

  • Illégalité des critères du TA HC et recours contre le dispositif de retour des quotas injustement appliqué aux jeunes collègues ;
  • Demande de refonte de la PFR dépassée dans ses modalités et non revalorisée depuis 9 ans ;
  • Limitation drastique d’accès au GRAF sans tenir compte de la richesse des parcours et des responsabilités notamment des adjoints.

A l’horizon aucun signe de reconnaissance et surtout dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique, laquelle ne s’adresse finalement qu’aux administrateurs civils et à la Fonction publique de l’Etat, le Ministère de la Transformation et de la Fonction Publiques n’a eu cesse d’insister sur la nécessité de faire du « terrain » la première compétence ».

Or c’est là le quotidien et l’essence même de la carrière du directeur d’hôpital !

Pourtant, au-delà de quelques places proposées in extremis pour participer au CIME, CHESP, bref à l’école de guerre, la reconnaissance apportée est bien maigre !

Or le contexte actuel nous rappelle chaque jour un peu plus le besoin de service public et les attentes croissantes de nos concitoyens en matière de santé et accès aux soins.

L’école des « directeurs de Rennes » comme certains l’intitulent encore n’aura servi que de faire-valoir pour structurer un « séminaire interprofessionnel XXL » et les DH cherchent encore à comprendre quelle en est la raison.

Face à une violence sociale inédite dont la gifle reçue par le Président de la République a constitué le point d’acmé, il faut plus que jamais redonner à ceux qui sont en première ligne des moyens d’agir. Et rappeler au passage que les directeurs eux-mêmes sont la cible facile de toutes les violences et les intimidations, avec comme seule petite bouée dans un océan de mise tension, la procédure de protection fonctionnelle.

Plus que jamais et depuis plus d’un an maintenant, le rôle social de l’hôpital n’a eu cesse d’être réaffirmé.
Pourtant ses plus fidèles serviteurs, eux restent les oubliés de ce monde d’après qui commence à se dessiner.

Comment en effet comprendre pour les directeurs d’hôpital, que les futurs administrateurs de l’Etat bénéficient d’une « convergence indiciaire » avec une enveloppe comprise entre 6 et 8 millions € pour permettre l’alignement des rémunérations entre les différents ministères et ainsi favoriser la mobilité et, que dans le même temps, les DH soient présentés comme des « enfants gâtés » au motif qu’ils bénéficient du CTI !

Décidément il n’y aura jamais le bon alignement…de planètes pour que les DH s’affranchissent enfin de la tutelle de leurs collègues de l’Etat dans la détermination de leur rémunération !

Difficile d’être optimistes face à un tel désintérêt qui vire au mépris et à la provocation de la part de l’Etat !

Comment en effet maintenir la motivation des directeurs intacte face un environnement chaque mois plus angoissant ?

L’absence de véritable pilotage des parcours et des compétences est un handicap majeur pour l’avenir du métier. Faire le choix de candidater sur une chefferie n’est pas anodin. C’est un changement de vie, un équilibre entre la vie personnelle et professionnelle sans cesse remis en cause et dont la satisfaction ne peut se résumer en l’exercice d’un métier à responsabilité ou à l’utilité sociale de celui-ci.

C’est également un enjeu pour la diversification des profils, la féminisation des chefferies dont on sait qu’elle est encore insuffisante et qu’il ne suffira pas de quelques ajouts cosmétiques sur les short-List pour en faire une réalité.
La question de la constitution des viviers est aujourd’hui centrale et mérite une véritable GPEC pour l’accompagner de façon durable.

Si les barrières demeurent, un geste sera indispensable pour les lever. Sans quoi, l’autocensure demeurera et les ambitions des uns viendront se fracasser sur la réalité d’un exercice chaque jour plus complexe.

C’est maintenant que doit se jouer la bataille de l’attractivité, laquelle n’est pas qu’une question de points d’indice, mais appelle à une réflexion d’ensemble sur l’avenir de la FPH.

La question de l’attractivité bien qu’au cœur du COP pour 2021-2025 ne doit toutefois se traduire uniquement en termes d’actions de communication à mener par le CNG.
La baisse constante du nombre de candidats aux concours en a rappelé l’impérieuse nécessité, mais en l’absence d’une politique statutaire ambitieuse, les candidats passeront puis s’en iront vers les deux autres versants.

Les sujets sont nombreux et ne pourront attendre la prochaine mandature pour être traités, sous peine de laisser encore à la FPH le sentiment d’être « le Tiers-Etat » de la fonction publique et de laisser croire aux directeurs que la reconnaissance espérée depuis si longtemps ne serait finalement qu’un mirage.