Le syndicat de tous les manageurs de santé
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Instance collégiale DH du 12 juillet 2022: Dernier arrêt avant la désagrégation ?

Déclaration liminaire du SMPS
 



« Des services d’urgences fermés aussi bien en CHU qu’au cœur des territoires, des filières de prise en charge dont le maintien est suspendu au résultat d’un test PCR ou à l’ouverture d’une enveloppe comportant une énième lettre de départ.
 
Des hôpitaux dans lesquels on a, par la force des choses, déjà oublié les 4 lettres de la loi RIST tant les tarifs de rémunération pour vacataires médicaux se sont à nouveau envolés, bien au-delà du simple « doublement des heures supplémentaires ou du temps additionnel ».
 
Des directeurs médicaux de SAMU qui comptent frénétiquement les kilomètres non pourvus d’équipe SMUR sur leurs isochrones, vides d’équipages en nombre suffisant pour continuer à remplir, au cœur de l’été, la promesse d’un service d’urgence à moins de 30mn.
 
Une 7ème vague COVID qui emporte l’équilibre précaire des organisations et complique encore la tâche des équipes exsangues.
 
Des cadres épuisés par des circonvolutions improbables pour établir les plannings.
 
Des sites hospitaliers de bord de mer qui supplient leurs homologues de terre plus austères de laisser partir leurs troupes en remplacement en même temps qu’en villégiature.
 
Des enfants sans pédiatres, des personnes âgées sans gériatres, des malades en danger sans psychiatres.
 
Des structures privées qui pratiquent la trêve estivale en s’étonnant que le service public s’étouffe à l’idée de devoir faire plus.
 
Des métiers qui ne passionnent plus de l’ASH au directeur en passant par les praticiens hospitaliers.
 
Et pourtant des praticiens étrangers qui ne demandent qu’à exercer mais qu’on a dilué dans une nouvelle procédure de recrutement que Père Ubu n’aurait pas reniée !
 
De quel autre sujet parler ce matin hors celui des conditions dantesques dans lesquelles l’été a commencé dans nos hôpitaux ?
 
Pas de répit, pas de trêve pour les chevaliers de l’impossible que les hospitaliers sont malgré eux devenus.
 
Si rien n’est fait, les semaines à venir seront celles d’un tournant majeur pour notre système de santé. Le pilotage par l’activité et l’investissement va laisser désormais durablement la place à une situation de crise structurelle permanente où le quotidien ne sera plus marqué que par l’urgence et la pénurie. Ce risque d’une altération profonde et durable du bon fonctionnement de nos établissements et de l’ensemble de l’écosystème sanitaire auxquelles ils appartiennent, nous nous en faisons l’écho au gré des remontées du terrain, sur tous les territoires et dans tous les établissements.
 
Cela fait pourtant des mois que tous les indicateurs ont viré à l’écarlate. Tous les signes avant-coureurs étaient-là : l’épuisement généralisé, la hausse de l’absentéisme, les démissions en cascade dans les services, l’absence de perspectives de retour à la normale, les lourdeurs administratives et budgétaires rendant difficiles, voire impossibles, la mise en œuvre de solutions d’urgence, l’incapacité mortifère à attirer et à fidéliser nos agents. Tous ces phénomènes liés entre eux ont un impact profond sur l’engagement des hospitaliers.
 
A longueur d’instances, le SMPS et l’ensemble des organisations représentatives des Directeurs n’ont eu de cesse de signaler, de prévenir et d’avertir des risques que faisait courir cette situation, pour l’hôpital, pour les soignants, pour les patients mais également pour les manageurs. Ce qui s’apparentaient hier à des faits divers et des difficultés localisées s’avèrent être les symptômes d’un malaise plus profond dont les conséquences conduiront à un préjudice sérieux et durable pour la population et ce pour de nombreuses années. 
 
Ces témoignages et ces inquiétudes répétées n’ont suscité soit qu’une indifférence générale matinée d’une certaine fatalité, soit un enthousiasme débordant pour adopter de fausses bonnes solutions. Malgré la période électorale du printemps dernier qui aurait pu être l’occasion d’un grand débat national. Mais las, elle n’a été que l’occasion de nouvelles saillies « anti-administration » et n’a fait que ralentir la mise en œuvre des mesures dont nous aurions eu bien besoin pour préparer l’été.
 
Et d’abandonner au passage les sujets structurants comme la régulation de la liberté d’installation des médecins ou l’absence de contrepartie aux activités du secteur privé dans la cadre de la permanence des soins.
 
Les dernières données mis en lumière par la FHF sont pourtant accablantes et révèlent par la froideur des statistiques cette réalité qui fait le quotidien des directeurs :99% des établissements rencontrent aujourd’hui des difficultés pour recruter et ne voient pas d’amélioration des perspectives dans les années à venir, et ce quel que soient les professions hospitalières ;67% des établissements recourent à l’intérim médical pour pallier la pénurie, au détriment de la cohésion des équipes titulaires ;1 service d’urgence sur 5 à l’échelle nationale est en passe de suspendre ses activités cet été, au moins la nuit ;57% des Centres hospitaliers et 85% des CHU sont contraints de fermer des lits, faute de personnel ;90% des soignants déclarent être en situation d’épuisement. 
Jadis une mesure d’organisation planifiée pour répondre aux variations d’activité et aux périodes de congés, la fermeture de lits par manque de personnel devient la norme pour les Directeurs et concerne tous les secteurs.
 
Mais cela continue de le leur être reproché aussi : pas assez agile ou funambule, madame ou monsieur !
 
Les ARS laissent désormais les territoires s’auto-réguler ou s’auto-liquéfier.
Les chambres régionales de comptes sont à l’affût de la hauteur des passe-droits pécuniaires.
Les assureurs et les banques nous quittent.
 
A vous, chers directeurs, d’assumer, sans reconnaissance et sans statut revisité.
A vous le « directeur bashing » car il faut bien toujours un coupable…ou un tire-au-flanc !

 
Mais dans cette tempête les Directeurs demeurent, hélas, les seuls responsables à bord. Beaucoup de collègues nous font ainsi part de leur désarroi sur « l’après » qui ne vient pas, car le sens de nos métiers et de notre engagement ne peuvent se résumer à un éternel mode dégradé sans perspective de sortie par le haut.
 
Comment exercer sereinement nos fonctions quand celles-ci consistent à être d’éternels directeurs de crise, alternant entre recrutements non réglementaire et suspensions d’activités ? A l’heure où les chiffres concernant le nombre de candidats au concours de DH pour 2022 nous parviennent, nous ne pouvons qu’être très inquiets sur ce point.
 
La question n’est donc encore une fois non pas de savoir si nous passerons l’été, car en tant que tel le système de santé existera encore demain, mais dans quel état nous nous retrouverons.
 
L’hôpital public repose sur des bases solides, mais celles-ci s’effritent au gré des embruns et nul ne sait si le système de santé qui en émergera sera en adéquation avec les valeurs qui le fonde et que nous avons choisi de servir. En un mot, notre système tel que nous le connaissons est à bout de souffle.
 
Ce sont en tout cas les mots utilisés par le Dr François Braun lors de sa nomination en tant que ministre de la Santé et de la Prévention. Le SMPS a d’ailleurs pris acte des conclusions de la mission flash sur la situation des urgences portée justement par le Dr Braun en juin dernier.
 
Les 41 recommandations qui en ressortent témoignent d’une vision d’ensemble pragmatique des enjeux et vont bien au-delà du champ hospitalier ; nombre d’entre elles avaient d’ailleurs été proposées par le SMPS au sein de notre plan d’actions. Mais leurs délais de mise en œuvre seront pour la plupart inefficient et leurs modalités bien trop édulcorées pour passer un été de tous les dangers.
 
Nous savons déjà que ces recommandations ne sont là que pour palier l’urgence et n’apporteront pas les solutions nécessaires à la sauvegarde de notre système de santé. Elles seront néanmoins d’une grande aide pour rendre la situation moins difficile à gérer, si tant que les services du Ministère permettent leur mise en œuvre dans les plus brefs délais.
 
Nous ne pouvons hélas que regretter le temps qu’il ait fallu pour aboutir à ces mesures de bon sens dont beaucoup étaient connues et n’attendaient que l’impulsion politique pour leur déploiement.
 
Mais elles devront être également suivies de l’ouverture de ce grand chantier de réformes que nous appelons de nos vœux et qui viendront enfin apporter des réponses aux problématiques que nous rencontrons que ce soit en termes de recrutement, d’attractivité, de fidélisation, de souplesse réglementaire et budgétaire, de QVT, mais aussi celle de l’exercice de la fonction de direction.
 
A la place des mises en causes ad hominem ou des articles de presse à charge et racontant plutôt n’importe quoi par le menu sur les causes de nos maux, le SMPS attend en effet que l’État soutienne l’exercice vertigineux.
 
Pas en refusant de renouveler leurs débouchés professionnels, pas en refusant de créer un nouvel élan statutaire, hautement dépassé après le train réformateur et reconnaissant de 2012, pas en attendant les hommes et les femmes qui sont courageusement à la tête des établissements ne les quittent par dépit ou épuisement.
 
Les signes de soutien ne sont pas là, ni dans ces tours virevoltant de postes fonctionnels qu’il faut se dépêcher de quitter quand l’État ne veut plus de prolongation, ni dans un quota restrictif en début de carrière qui déjà nie la lourdeur de l’exercice et des mobilités, ni dans une absence d’écho favorable à notre demande de gestion régionale plus concertée.
 Non, rien. 
Même après 2 ans de crise sanitaire et devant une durée indéterminée de crise systémique les directeurs n’auront droit qu’à une rigidification de leur responsabilité financière comme chacun sait.
 
Saisissant toute occasion de le faire, le SMPS aime à rappeler dans ce désarroi profond que le « terrain comme première compétence » était un mantra de la réforme de la haute fonction publique.
 
Il est maintenant remplacé par l’étroitesse de vue et l’attitude de défiance et cela nous ne l’acceptons pas.
 
Si certains se contentent de cette mesure, voire s’en félicitent en considérant que la mise en place de ce nouveau régime de responsabilité permettra de faire toute la transparence sur les pratiques supposées non-réglementaires pourtant nécessaires à la continuité des soins, ils oublient un peu vite de souligner que cela reviendra à voir notre exercice professionnel être interprété et validé du bout des lèvres au prétexte de « circonstances atténuantes » par les juges financiers. La responsabilité que cette réforme vient remettre en cause c’est aussi celle que les Directeurs assurent au quotidien en prenant ces décisions.
 
C’est la force et la singularité de nos métiers, au service de l’action publique.
 
C’est la responsabilité de leur dévouement à un service public pour lequel ils se battent.
 
C’est cette capacité à décider avec les outils adaptés qui écartera le danger d’un été de tous les périls.
 
Le SMPS espère donc du nouveau Ministre et de ses équipes qu’elles intègrent cette force d’action et de conviction qui est celle des manageurs de Santé, au nombre des facteurs de succès du système de santé.

Ils méritent en effet tout le respect et l’écoute, en réponse à tout ce qu’ils ont fait et font encore pour que l’hôpital et le service public hospitalier, demeurent au niveau où nos concitoyens les ont toujours très haut voulus, et pour longtemps !


Je vous remercie. »