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Comité consultatif national -Réforme de la haute fonction publique : qu’est-ce que la justice ? Où est la justice ?

Qu’est-ce que la justice ?
 
La question peut sembler curieuse de prime abord. Pourtant elle permet de revenir à certains fondamentaux en cette période de forte actualité statutaire.
 
La justice est l’exigence de rendre à chacun ce qui lui appartient et d’être rétribué de son mérite, avec équité. Le sentiment d’injustice naît donc de l’existence, voire de la persistance, d’un traitement inéquitable pour des situations similaires. Or c’est bien dans une situation d’iniquité que sont aujourd’hui les corps de direction de la FPH représentés dans ce Comité consultatif national. La faute, notamment, à la manière dont est conduite cette réforme de la haute fonction publique omniprésente dans notre actualité.
 
Ainsi, le SMPS a accueilli avec satisfaction l’annonce il y a quelques jours, par le courrier des Ministres Guérini et Valletoux, de la confirmation de la mise en place prochaine pour les Directeurs d’Hôpital de grilles indiciaires similaires à celles en vigueur pour les Administrateurs de l’État.
 
Après plus d’un an de travaux statutaires marqués par les multiples reports des groupes de travail, les arbitrages hasardeux aux justifications opaques, ou encore l’absence de chiffrage sur les mesures proposées, une telle avancée doit être saluée pour son importance. Importante, certes, mais partielle. Elle n’est qu’une des étapes qui devront conduire à terme à aboutir à une transposition équitable de la réforme pour la fonction publique hospitalière. Si nous pouvons donc nous féliciter de ce grand pas, nous demeurons vigilants jusqu’à ce qu’il soit inscrit dans le marbre des textes statutaires. Et nous resterons également tout aussi plus prudents et fermes concernant le futur régime indemnitaire et la place accordée à nos indemnités de sujétion pour nécessités absolue de service.
 
Car s’il y a bien une leçon que nous pouvons tirer de ces multiples groupes de travail, c’est le constat, malheureux et répété, que nos métiers et nos conditions d’exercice demeurent méconnus, incomprises et souvent mal considérés au plus haut niveau de l’État. Nous appelons donc une fois de plus à ce que les chantiers statutaires qui se poursuivent bénéficient d’un calendrier et d’une méthode de travail claire qui jusqu’à présent font défaut.
 
Car il faut bien parler « des chantiers statutaires » au pluriel.
 
Est-il ainsi nécessaire de rappeler que les engagements de revalorisations pris par les pouvoirs publics en janvier 2023 concernaient bien les trois corps de direction ? Que les travaux qui ont débuté dans la foulée prévoyaient un calendrier partagé aux DH, D3S et DS ?
 
Et c’est là la première iniquité : sans même parler des propositions qui ont été faites au cours des différents groupes de travail, sans même revenir sur leur contenu décevant et en deçà des attentes, en particulier pour les D3S et les DS, on ne peut que constater le décalage dans le traitement entre nos trois corps. Les annonces positives en faveur des DH viennent aujourd’hui accroître ce décalage entre nos corps et, in fine, les sentiments d’injustice, d’amertume, de frustration, voire de colère, chez les D3S et DS à qui aucune perspective sérieuse n’est offerte à ce jour, et ce dans un silence assourdissant de la part de l’administration.
 
Car, si nous pouvons comprendre que l’intégration dans la réforme de la haute fonction publique se fasse de façon progressive, comme ce fut le cas dans la FPE, nous ne pouvons plus accepter que cela se fasse sans donner une visibilité à tous les corps de direction de la FPH. L’incapacité de fixer un cap qui pouvait être encore comprise il y a quelques semaines en raison du remaniement gouvernemental doit désormais laisser place à une méthode de travail claire, concertée et qui apporte la même considération aux problématiques propres à chacun de nos corps.
 
Parce que c’est aussi de considération qu’il est question ici, et c’est une autre source d’iniquité entre nos corps. Nous avons encore pu en faire le constat il y a quelques semaines avant ce remaniement avec la mise en place d’un GT partagé entre D3S et DS portant sur les revalorisations de ces deux corps de direction.
 
Un détail pour certains, sans doute, mais pourtant si lourd de sens pour des professionnels qui tiennent leurs équipes à bout de bras, à qui on impose de nouvelles restrictions dans des établissements structurellement déficitaires, le tout dans un climat de tension et de violence accru. Et même si ce GT n’a jamais eu lieu, il interroge une fois encore sur la méthode alors qu’il semble évident qu’un tel amalgame n’aurait pas été imaginé avec les DH.
 
Voilà pourquoi à notre mot d’ordre « à responsabilités égales, reconnaissance égale », nous pouvons désormais adjoindre après cette année de négociations erratiques l’exigence d’une « considération égale ». Faut-il donc rappeler une fois de plus aux pouvoirs publics que chacun de nos corps a ses enjeux et ses problématiques propres et que c’est cela qui constitue justement la richesse de nos métiers ?
 
Quelques rappels semblent pourtant nécessaires :
 
– Quand les Directeurs des soins sont des professionnels aguerris qui sont forcément membres d’équipes de direction, les D3S sont beaucoup plus souvent confrontés à un exercice plus isolé et un accès en chefferie dès la sortie d’école, avec la responsabilité juridique et les contraintes tant personnelles que professionnelles que cela impose.
– Alors que les DS ont obtenu une reconnaissance partielle, bien qu’insuffisante, de leurs hautes responsabilités en 2022, les D3S souffrent comme les DH de la même stagnation statutaire depuis une décennie.
– Enfin, alors que les conditions d’exercice de nos métiers ont été profondément transformées par leur intensité et le développement de l’échelon territorial, les secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux souffrent toujours d’un manque de considération et de visibilité et d’attractivité criants.
 
Et si les GTSMS apparaissent comme une piste pertinente pour répondre à ces problématiques, force est de constater que les velléité répétées des départements, avec la proposition de loi « Bien vieillir », à s’accaparer encore une fois le pouvoir de nomination des Directeurs d’EHPAD témoigne des dangers toujours vivaces qui pèsent sur ce corps. Rappelons que ce sont les mêmes qui ont facilité la mainmise du secteur de l’enfance par les départements avec la loi 3DS et le démantèlement du corps des D3S. 
 
Mises bout à bout, ces situations répétées à l’échelle de corps tout entiers, sur tout le territoire et dans l’ensemble des établissements viennent renforcer ce sentiment d’injustice qui habite nombre de nos collègues.
 
C’est pour cela que le SMPS rappelle une fois encore que nous estimerons que cette réforme historique de la haute fonction publique ne sera juste que lorsqu’il sera acté que tous les corps de direction qui participent au service public hospitalier sous toutes ses formes y seront bien intégrés. S’il est acté que la réforme du statut des DH ira jusqu’au bout, il est urgent de réouvrir le chapitre pour les DS et les D3S.
 
Et qu’une fois cette étape nécessaire franchie, sa mise en œuvre permette enfin de remettre sur la table la reconnaissance des spécificités propres à chacun de nos métiers et de nos exercices : la nécessité absolue de service, l’exercice multisites, la gestion d’équipes avec des périmètres élargis ou encore les conditions d’accès bien plus strictes pour l’accès à la hors classe des DH ne sont que quelques exemples de nos attentes.
 
Vous pouvez constater une fois encore l’omniprésence de ces questions alors que les sujets de fond qui affectent nos métiers ne manquent pas et qu’ils ne seront pas réglés par une réforme statutaire, toute historique qu’elle soit. Cette omniprésence témoigne surtout de la nécessité d’avancer et de sortir du bourbier incertain dans lequel nous errons depuis un an.
 
De cette séquence éprouvante nous devons sortir par le haut. Il n’y a pas d’autre issue.
 
Ainsi, parmi les sujets que nous traiterons au cours du Comité consultatif national de ce jour, nous pouvons revenir sur deux points pertinents à plus d’un titre.
 
En premier lieu, l’étude des statistiques annuels sur la démographie des corps de DH, D3S et DS, dont les conclusions viennent malheureusement confirmer des tendances lourdes pour nos corps. En effet, pour les D3S cela fait bientôt une décennie que le corps comptabilise plus de sorties que d’entrées. Or la persistance de ce solde négatif impacte directement leurs conditions d’exercice. Elle est une des premières causes de la multiplication des vacances d’emplois de chefs d’établissements, du peu de candidatures aux chefferies et surtout des intérims interminables. Il est notoire que ces intérims demandés aux D3S sont encore trop faiblement reconnus et mal valorisés au regard de l’engagement accru que cela implique. Toute mesure de revalorisation les concernant ne pourra faire l’impasse sur ce sujet pour être un minimum crédible.
 
Il en va de même pour le corps des DS qui, à l’exception notable de 2020, est en solde négatif depuis près de 10 ans, au point de remettre en cause l’existence même de ce corps. La faute à un statut qui n’est plus aussi attractif mais également à des conditions d’exercice particulièrement dégradées et à des tentatives répétées de discréditer le rôle majeur des Directeurs des soins dans le bon fonctionnement des établissements.
 
Enfin, soulignons que le corps des DH est le seul à connaître un solde positif, et ce pour la deuxième année consécutive. Mais ne nous leurrons pas : la faiblesse de ce solde ne viendra pas compenser la diminution d’effectif de 7,5% à l’œuvre tout au long des années 2010. A l’heure où l’exercice multisites est devenu incontournable, la chute de l’effectif des DH conduit surtout à un éloignement du terrain et là aussi à une dégradation réelle des conditions d’exercice. La question de cet éloignement se pose aussi pour les D3S dans années qui viennent à l’aune des futurs GTSMS.
 
En second lieu, nous tenons à saluer l’engagement du CNG en faveur de l’égalité professionnelle, autre sujet central qui distingue la FPH de ses homologues des autres fonctions publiques. Certes, les effets de la loi de 2023 visant à favoriser l’accès des femmes aux emplois à responsabilités ne se font pas encore réellement sentir au cours des instances collégiales, mais la mise en place d’objectifs chiffrés de parité d’ici 2026 permettra enfin d’atteindre cette parité que le SMPS appelle de ses vœux.
 
Nous constatons en tout cas les efforts du CNG pour sensibiliser les recruteurs, en particulier au niveau des ARS et des conseils de surveillance. Il peut être assuré de notre soutien dans cette démarche.
 
Mais il faut encore rappeler ici que le CNG ne pourra assurer ses missions sans moyens adéquats. La mise en œuvre d’une véritable politique de GPMC, d’un accompagnement dans la carrière, d’une politique de visibilité accrue de nos métiers et de nos concours ou encore l’évolution de nos modes d’évaluation et de sélection passeront par un CNG plus fort. Et là aussi le CNG sait qu’il peut compter sur les organisations représentatives.
 
Ce point final nous ramène finalement au sujet d’origine de cette déclaration liminaire, celui de l’équité au sein de la fonction publique et de la considération qu’entendent nous accorder les pouvoirs publics. Nous appelons donc une fois encore à ce que la transposition de la réforme de la haute fonction publique à la FPH soit à la hauteur des enjeux.