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Instance collégiale des Directeurs d’Hôpital du 20 septembre 2022

Déclaration Liminaire du SMPSIl y a urgence ! 

 

Le SMPS appelle à l’ouverture d’un véritable « Ségur des Directeurs » donnant enfin l’occasion d’aborder de front l’ensemble des problématiques propres à nos métiers  

20 septembre 2022 

 Voici donc notre cette Instance collégiale de rentrée. Elle fait suite à un été historiquement éprouvant pour nos établissements. Avant la pause estivale, nous nous étions quittés en nous demandant non pas si notre système de santé passerait cet été, cela nous n’en doutions pas, mais dans quel état nous le retrouverions.
 
Alors que la crise hospitalière semble être reléguée aux marronniers que l’on ressort à l’occasion, les hospitaliers et en premier lieu les Directeurs, sur le terrain demeurent à leur poste. Le discours médiatique tenu depuis quelques semaines affirme en effet à qui veut l’entendre que « les digues ont tenu », que la catastrophe tant annoncée « ne s’est pas produite » ; reléguant de facto ceux qui craignaient le pire au rang d’alarmistes Cassandre.
 
Mais en rester à un tel constat reviendrait à passer sous silence ceux qui ont permis de rendre cet été « supportable » : c’est-à-dire les hospitaliers eux-mêmes et en particuliers des directeurs à la barre des établissements en souffrance.
 
C’est en effet d’abord l’esprit d’anticipation des directions hospitalières qui, sans attendre les recommandations nationales, les MARS de dernière minute ou les conclusions des missions-flash, ont trouvé d’elles-mêmes des solutions pour préparer un été à haut risque au regard des indicateurs et des informations qui nous remontaient du terrain.
 
Ces initiatives locales sont les preuves supplémentaires que la conduite des établissements de santé n’est pas le fait d’exécutants mais de véritables dirigeants et dirigeantes capables de fédérer les équipes éprouvées autour d’eux et d’elles et d’aller au-delà d’une vision de court terme, de façon solidaire et efficace
C’est également le fruit d’une expérience accumulée malgré eux mais en conscience, au fil des crises à répétition auxquelles nous sommes aujourd’hui familiarisés.
 
Ce sont également les efforts consentis cet été par ces mêmes hospitaliers et les décisions difficiles qu’ils ont eu à prendre qui nous a permis d’éviter le point de rupture. Certes, la situation n’a pas été la même sur tout le territoire, mais force est de constater que nul n’aurait pu décemment imaginer il y a quelques années que certains de nos plus grands CHU, pourtant si attractifs, devraient recourir à la régulation du SAMU pour maintenir leur activité nocturne aux urgences.
 
Loin des métropoles, pour de trop nombreux collègues, les deux derniers mois ont été synonymes d’incertitudes complètes sur la capacité à maintenir un service d’urgence, à conserver des blocs ouverts ou assurer l’activité d’une maternité.
 
Leur quotidien a, dès lors, été rythmé par les reports d’activité et la quête de soignants, souvent trouvés sur le fil, soit par dévouement soit parce qu’il a fallu procéder, une fois de plus, à des rémunérations décadrées lorsqu’il n’y avait plus d’alternative. En cela, une fois de plus, le directeur d’hôpital se retrouve seul en première ligne du front de l’attractivité car il n’a plus comme choix que de défier les conditions intenables de la loi Rist qui vont dans quelques semaines le conduire à occuper les lignes de la chronique judiciaire de la cour des Comptes qui lui reprochera sa démarche !
 
A ce sujet le SMPS se tourne vers la DGOS pour réclamer un état des lieux régionalisé des dépassements de rémunération afin de dresser une cartographie qui aurait le mérite à la fois de quantifier et qualifier la situation auprès des ARS mais aussi, les directeurs eux le savent déjà, de démontrer combien cette loi était inapplicable en l’état, car déconnectée des autres réformes statutaires concernant le personnel médical. En cette fin 2022, si l’on y prend garde en effet, l’effet cumulé d’un dispositif inabouti sur l’intérim, de l’échec de la réforme des EVC et de la concurrence entre praticiens contractuels et titulaires par l’effet des nouvelles échelles de rémunérations des uns et des autres finira d’achever la solidarité légendaire des hospitaliers !
 
Si ces décisions difficiles nous donc ont permis d’avancer bon gré mal gré jusqu’aux rives de septembre, c’est forcément au détriment des conditions de travail des professionnels, de la qualité des soins et, in fine, des patients.
 
Dans chacune de ces situations les Directeurs demeurent extrêmement exposés. Déjà à la colère des soignants, dont l’épuisement fait place à une lassitude palpable, mais également à l’incompréhension d’une population qui ne parvient pas à comprendre comment nous en sommes arrivés là.
 

A cela s’ajoute l’absence d’un véritable accompagnement par nos tutelles sur leur territoire, les ARS ne se faisant que le relais des directives nationales sans assumer véritablement leur rôle de régulateur de l’offre de soins.
 
Ainsi, si nous avons collectivement évité le point de rupture, il n’en reste que nous sommes désormais de plein pied dans une véritable crise de la santé publique qui touche tous les établissements, tous les territoires et toutes les strates du système de santé.
 
Car si la rupture nette et soudaine qui était crainte par certains n’a pas eu lieu, la déchirure, lente et silencieuse, elle, continue de se réaliser. Faute de mesures, c’est l’engagement des hospitaliers qui est flétri profondément et durablement par l’absence de perspectives optimistes à l’horizon. Cet état de crise permanent, les Directeurs le payent donc dans leur tête et dans leur chair.
 
Les Manageurs de santé sortent donc exsangues de cette « saison en enfer », encore plus qu’ils ne l’étaient en y entrant.
 
La conférence des parties prenantes qui s’annonce sera-t-elle la nouvelle Abyssinie des hospitaliers ?

Le SMPS espère plus simplement mais en se questionnant qu’elle sera enfin le lieu des vrais débats et de solutions consensuelles et opérantes pour le système de santé.
 
Il souhaite y prendre sa place en souhaitant que les représentants des directeurs y aient la part qui leur revient en tant qu’opérateur de premier plan pour notre système de santé.
 
Et le SMPS est convaincu que les seules réponses envisageables pour sortir de cette ornière doivent aujourd’hui être à la hauteur des enjeux.

 
A ce sujet, le Ministère de la Santé a diligenté à l’IGAS une mission d’évaluation des 41 mesures proposées à l’issue de la mission flash BRAUN de juin dernier.
 
Avant même de connaître leurs conclusions, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que si ces mesures ont été d’une grande aide pour rendre la situation moins difficile à gérer, elles ont été pour la plupart largement dépassées pour répondre aux difficultés de l’été. Elles ont été des palliatifs à des tensions dont les origines sont plus profondes et, pourtant, connues depuis longtemps.
Et dans quelques jours, au 30 septembre, elles ne seront plus.

Comment faire alors ?
 
Les organisations sur lesquelles repose notre système de santé sont aujourd’hui à revoir et à questionner, et pas seulement à l’hôpital.

A ce titre, le SMPS juge indispensable de porter la focale sur une meilleure régulation de l’offre de soins, notamment en ce qui concerne la médecine de ville.

 
La désertification médicale qui affecte aujourd’hui plus de 6 millions de nos concitoyens ne pourra être résolue qu’en prenant des décisions concrètes sur la liberté d’installation des médecins et l’obligation pour ceux-ci de réaliser des gardes afin d’assurer la permanence des soins – quitte à ce que ces mesures s’accompagnent d’incitations et de revalorisations. Plus que des mesures, il s’agit d’un objectif nécessaire pour rééquilibrer le partage de la continuité des soins sur nos territoires afin que l’hôpital ne soit plus seulement le supplétif des carences de l’offre de soins de ville.
 
Concernant l’hôpital, l’heure n’est désormais plus à la recherche de constats, mais à l’élaboration et à la mise en œuvre des solutions qui permettront sa sauvegarde.
Les déserts médicaux sont aussi à l’hôpital et l’égal accès aux soins en reste menacé tant que de nouvelles mesures ne viendront pas enrayer ce phénomène.
 
Le phénomène de « Grande démission » n’épargne désormais plus le service public hospitalier.
Les efforts pour l’enrayer ne peuvent se cantonner aux accentuations salariales et aux chantiers peu solvabilisés à cette heure, générés par l’effort, pourtant sans précédent du Ségur.
 
Mais ce Ségur justement…a-t-il jamais existé pour les directeurs eux-mêmes ? A l’exception d’un chantier tronqué pour les directeurs des soins, arraché dans les minutes nocturnes des débats de l’après première vague, RIEN
 
Aucun repositionnement, aucune reconnaissance statutaire d’amorcer pour ceux et celles qui tiennent à bout de bras les communautés hospitalières et en payent le prix chaque jour et demain plus encore, par exemple dans la réforme ordonnateur comptable.
 
Or, si demain la reconnaissance des efforts consentis par les Directeurs depuis toutes ces années ne se concrétise pas par un accroissement des moyens humains et matériels ainsi que par des revalorisations à la hauteur de nos responsabilités, il est à craindre que cette Grande démission ne devienne également le mot d’ordre de nombreux collègues.
 
C’est pourquoi le SMPS appelle aujourd’hui à ce que s’ouvre enfin un véritable « Ségur des Directeurs » donnant enfin l’occasion d’aborder de front l’ensemble des problématiques propres à nos métiers.
 
Depuis 10 ans maintenant, à l’exception du GRAF, lui aussi tronqué dans son application, plus rien de positif n’a été instillé dans le statut des directeurs d’hôpital.
 
A la place, stagnation d’un régime indemnitaire non revalorisé et non cotisant, mise en place du quota d’accès à la hors classe et raréfaction des passerelles et des parcours de carrières.
 
Le message envoyé à ces collègues qui ont traversé la crise sanitaire est désastreux.
 
Conséquence : un souhait de départ massif mesuré dans un récent sondage par le SMPS et présenté lors de son congrès. Il ne faut donc pas attendre que le ratio inscrit/reçu aux concours d’entrées baisse encore, s’il on veut encore pouvoir gérer et manager dans les meilleures conditions nos établissements : il y a urgence à agir pour soutenir les directeurs d’hôpital !
 
 
Je vous remercie