Le syndicat de tous les manageurs de santé
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Instance collégiale DH du 14 juin 2022: Déclaration liminaire du SMPS

La crise structurelle que nous connaissons sera un tournant pour le service public hospitalier.
Le système de santé survivra, mais dans quel état ?

« Madame, Monsieur,

Nous sommes réunis aujourd’hui une dernière fois en instance collégiale avant la parenthèse estivale.
 
Une fois encore nous pourrions revenir sur le rythme de cette instance dont la fréquence demeure toujours source de perplexité pour les collègues en quête d’une mobilité sur des chefferies ou des emplois fonctionnels. A peine ont-ils le temps de sérieusement s’intéresser et s’investir dans une candidature que de nouveaux postes s’ouvrent, les obligeant ainsi à se soumettre à une gymnastique complexe pour espérer trouver l’emploi qui leur conviendra le mieux. Comme nous le savons, ce calendrier était censé être dans l’intérêt des établissements, et ce afin de réduire d’autant les périodes de vacances de postes et accélérer les mouvements. Force est de constater que cet objectif n’est pas encore atteint.
 
Une telle problématique pourrait sembler anodine au regard de la situation dans nos établissements à l’approche de l’été. En temps normal, la « parenthèse estivale » évoquée plus tôt est synonyme d’un moment de pause dans le rythme de nos quotidiens. Un « temps des cerises » attendu et désiré depuis des mois. Pourtant, cette année, la « parenthèse » ne concernera que le rythme des instances et ils sont peu nombreux à l’attendre avec impatience.
 
Car pour les hospitaliers les semaines et les mois à venir s’annoncent comme un tournant majeur pour leurs établissements, mais également tout le système hospitalier tel que nous le connaissons.
 
Ce tournant vient clore un cycle, pour en débuter un nouveau. En effet, la crise sanitaire dont nous sortons à peine, éreintés, n’était que le prémice de la crise structurelle qui nous attend. Nous pensions avoir quitté la tempête, mais nous approchions en réalité de l’œil du cyclone.
 
Tous les signes avant-coureurs étaient là, depuis des mois voire des années : épuisement, apathie généralisée, perte d’attractivité, difficulté à fidéliser en restant dans les carcans administratifs et budgétaires, démissions. Tous ces facteurs, mis bout à bout, ont progressivement altéré la motivation des hospitaliers au point de briser pour beaucoup la confiance qu’ils portent dans l’institution.
 
Cette dévotion sans pareille des professionnels permettait depuis des décennies à l’hôpital public d’assurer ses missions. Elle s’est fissurée et aboutit désormais à cette déferlante sans précédent.
 
Ainsi, la FHF estime que 80% des établissements rencontrent des difficultés qui affectent le nombre de lits ouverts, la continuité ou la permanence des soins. Dans le même temps, la société française de médecine évalue à 120 le nombre de services d’urgences publics ou privés susceptibles d’être soumis à de très fortes tensions au cours de l’été qui vient, voire à leur suspension. Ce qui s’apparentaient hier à des faits divers et des difficultés localisées s’avèrent être les symptômes d’un malaise plus profond dont les conséquences conduiront à un préjudice sérieux et durable pour la population et ce pour de nombreuses années. Sur tout le territoire national, des établissements de proximité aux CHU en passant par les établissements sociaux et médico-sociaux, des métropoles urbaines jusqu’aux zones rurales, des établissements hospitaliers jusqu’à la médecine de ville, la crise est généralisée.
 
Les problématiques de lits et de personnel disponibles se posent déjà depuis des mois et ne vont aller qu’en s’aggravant. A longueur d’instances, le SMPS et l’ensemble des organisations représentatives des Directeurs n’ont eu de cesse de signaler, de prévenir et d’avertir des risques que faisait courir cette situation, pour l’hôpital, pour les soignants, pour les patients mais également pour les manageurs.
 
Cette actualité n’est pas tue, mais elle passe bien après le reste, tant tout le monde semble s’être résigné à ce que notre système de santé soit désormais voué à se maintenir, à vivoter entre deux crises et non plus à évoluer positivement, par le haut.
 
D’aucuns pourraient trouver nos mots forts. Ils sont pourtant tout en retenue et sont ceux d’un constat pragmatique et étayé de la situation comme à l’habitude de le porter le SMPS. Le système de santé comme nous le connaissons est en danger.
 
En tant que tel, le système de santé existera encore demain, et après l’été. Mais ce qui nous interroge c’est de savoir dans quel état il sera, avec quels professionnels et si surtout il sera toujours en adéquation avec les valeurs qui le fonde et pour lesquels nous avons fait le choix de servir.
 
Comment un système de santé qui ne parvient plus à assurer la permanence des soins sur un territoire peut-il se targuer d’être « public » ?
 
Comment pouvons-nous honorer le contrat passé avec la Nation ?
 
Enfin, sommes-nous, nous, Directeurs, résignés face à un tel constat ?
 
Nous espérons que non. Et pourtant, les motifs pour l’être ne manquent décidément pas. Les dernières semaines n’ont d’ailleurs pas manqué de le rappeler et posent question sur la logique qui guide les pouvoirs publics dans leur manière de traiter les Directeurs.
 
Citons ainsi, à titre d’exemples :

  • La diminution du taux de passage à la Hors-classe des DH, passant de 40 à 30% dès cette année au prétexte d’un alignement de façade avec nos homologues de la FPE et de la FPH. Alors que dans le même temps, les conditions permettant l’éligibilité à la Hors classe restent bien plus strictes pour les Directeurs d’Hôpital. L’imposition de ce quota drastique, en plus de porter encore atteinte à notre attractivité, va surtout conduire à un ralentissement dans la carrière et dans les ambitions de nos collègues, parfois les plus méritants. La perspective d’accès à une chefferie, déjà considérablement affecté par les GHT, va se retrouver encore amoindrie pour ceux qui n’auront pas suivi la voie royale.
     
  • Le GHT, d’ailleurs, qui devait être une opportunité de faire évoluer la gouvernance hospitalière se retourne encore contre bien des collègues qui, au gré des fusions et des directeurs communes, perdent leurs emplois fonctionnels et les responsabilités qui leur étaient conférées. Faute de solution de sortie pour les Directeurs concernés ceux-ci demeurent dans des situations stagnantes et inconfortables tant professionnellement que personnellement.
     
  • En parallèle, la campagne d’évaluation qui s’apprête à commencer pour les chefs d’établissement demeure source d’inquiétudes lorsque l’on se remémore les dysfonctionnements de l’an dernier. Nous avions à l’époque saisi le CNG pour signaler les disparités constatées entre les territoires, les évaluations faites en visio conférences, les notifications tardives des parts résultats ou encore le fait que les DG d’ARS n’étaient pas toujours au rendez-vous des évaluations des emplois fonctionnels. La « corvée de l’automne », comme certains aiment à l’appeler, demeure un rendez-vous crucial pour de nombreux collègues et doit être, s’il était nécessaire de le rappeler, un moment d’échange et de respect entre les gestionnaires publics et leur tutelle.

Ce ne sont là que quelques exemples, en lien avec l’actualité récente qui émaille notre corps. Mais ils conduisent pourtant, chacun à leur manière, à la perte de vivacité et d’attractivité de notre métier.

Et pourtant, comment rester impassible quand le nombre de candidats au concours diminue année après année ?Quel est l’avenir du corps quand près d’un directeur sur cinq sorti de l’EHESP envisagent sérieusement de quitter la FPH dans les années à venir ?Quelles perspectives offrir à des collègues qui font état d’une perte de sens dans leur pratique professionnelle ?

Car ce sont ces questions qui se posent à chaque suspension d’un service ou à chaque décision de fermeture de lits. Ces questions sont aussi celles qui traversent les hospitaliers, armés pour beaucoup de ces valeurs et de ces convictions ; celles qui les ont amené à choisir le service public, en toute connaissance de cause, avec ses défis, ses contraintes, mais également ses vertus.

Loin des caricatures faisant d’eux des « Excelophiles », les Directeurs sont attachés à l’hôpital public et au sens qu’il porte.
 


Mais face au désarroi de ses serviteurs, et aux difficultés manifestes des établissements, que proposent aujourd’hui les pouvoirs publics pour améliorer nos conditions d’exercices ?

  • La loi Rist ? Certes, son application est suspendue, mais elle parvient à ne pas répondre aux problématiques de recrutement médical et de mercenariat qui affecte l’ensemble des établissements tout en faisant peser sur les Directeurs la responsabilité d’accepter de rémunérer des intérimaires au-delà des règles fixées par le décret.
     
  • Le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics ? Là aussi, un nouvel exploit est à souligner. Car après deux ans de crise sanitaire, nous constatons que nos autorités de tutelle sont parvenues à mettre en place un régime de responsabilité hors sol qui n’est absolument pas adaptée ni à nos conditions d’exercice ni à nos problématiques de recrutement, ni au fait que les Directeurs d’Hôpital font partie des responsables publics les plus jugés par la Cour de Discipline Budgétaire et Financière.

 
En un mot, alors que tout indique le besoin criant de nous octroyer plus de moyens financiers et réglementaires pour sortir de l’ornière, la réponse apportée demeure plus de contrôle et même plus de sanctions. Et quand même les dites sanctions devaient être rares ou légères, et que la relaxe des collègues passant devant la CDBF devienne la norme, le simple fait qu’il y ait une instruction contre des collègues constitue un désavoeu du travail qu’ils accomplissent quotidiennement pour faire ce pour quoi ils se sont engagés, c’est-à-dire offrir des soins à la population, et ce quel qu’en soit le prix.
 
Désormais, les collègues auront le choix entre assurer la permanence des soins, et risquer d’être trainé devant la CDBF, ou suspendre partiellement ou totalement l’activité des services dont ils sont responsables, et risquer cette fois la garde à vue ou le Tribunal correctionnel si cela devait mettre en danger la vie des patients.
 
Notre constat est amer, et nous préfèrerions bien entendu vous souhaiter un bel été, comme tout autant de temps des cerises. Souhaitons que, comme le veut la chanson, nous ne gardions pas de cet été « Une plaie ouverte ».
 
Pour conclure, aujourd’hui commencent les épreuves pour le concours de Directeur d’Hôpital. Comme évoqué plus tôt, nous ne nous faisons pas d’illusion sur le nombre de candidats. Nous leur souhaitons néanmoins bonne chance et espérons les voir nombreux à la rentrée de janvier. Le SMPS sera là pour les accompagner mais aussi pour oeuvrer sans relâche à ce que leurs carrières soient aussi riches que celle de leurs prédécesseurs. »

LE SMPS PORTE LA VISION DES DIRECTEURS ET DES CADRES HOSPITALIERS,

FIDÈLE AUX VALEURS D’UN SERVICE PUBLIC DE SANTÉ TOURNÉ VERS L’AVENIR