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CAPN d’installation des Directeurs d’Hôpital du 10 janvier 2022


Pour cette première CAPN des Directeurs d’Hôpital de la mandature, le SMPS a tenu à dresser le bilan de l’année 2022 et les perspectives pour l’année à venir, notamment dans le cadre des voeux aux acteurs de la santé du Président de la République.
Le SMPS appelle toujours à ce que s’ouvrent le plus rapidement possible les chantiers nécessaires pour sortir l’Hôpital public et ses Directeurs de l’impasse dans laquelle il se trouve désormais.
La perte d’attractivité et la désaffection que vit l’hôpital public risquent désormais de transformer nos établissements en déserts managériaux
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Déclaration liminaire du SMPS  10 janvier 2022 

 CAPN DH du 10 janvier 2022 – CAPN d’installation

Déclaration liminaire du SMPS
 
Nous nous retrouvons pour la première CAPN des Directeurs d’Hôpital de cette nouvelle mandature et également de cette année nouvelle. Permettez-nous de souhaiter à tous les membres de notre commission ainsi qu’aux équipes du CNG et du ministère de la santé tous nos vœux.

Le moment est donc idéal pour tirer le bilan et les perspectives de cette instance jadis centrale du dialogue social, de notre métier de Directeur mais également la feuille de route que nous fixons pour l’année à venir.
 
La CAPN fut pendant longtemps le point névralgique du dialogue social de notre catégorie professionnelle. Or depuis 2019 et la loi de Transformation de la Fonction Publique, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Du dialogue social elle n’en porte désormais plus que les oripeaux, et ses ordres du jour réduits au strict minimum en sont régulièrement le témoignage regrettable.
 
La volonté de simplification des procédures voulue par la loi TFP n’a finalement abouti qu’à vider de sa substance ce qui permettait jadis des échanges riches et éclairés sur nos métiers et nos problématiques. La nouvelle CAPN élue ne changera malheureusement pas cette règle, ce qui n’empêchera pas les nouveaux élus du SMPS d’être présent à l’ensemble des instances à venir pour défendre avec la rigueur et l’engagement qui sont les nôtres les dossiers individuels de l’ensemble des collègues passant en CAPN et porter l’ensemble des thématiques propres aux Directrices et Directeurs d’hôpital. Et elles sont nombreuses !
 
Nous en profitons ici pour remercier encore une fois celle et ceux qui ont renouvelé leur confiance en votant pour le SMPS aux élections professionnelles de décembre. Nous saurons nous montrer à la hauteur de cette confiance pour porter votre voix.
 
Les élections professionnelles 2022 doivent en effet d’abord nous amener à plusieurs conclusions quant à notre profession et ses enjeux. Si le taux de participation chez les DH reste un des plus élevé au sein de la fonction publique, il est indéniable que sa diminution de près de sept points par rapport à 2018 peut s’expliquer aisément
 
Le malaise qui s’est installé au sein de notre corps grandit et reste plus que jamais palpable sur le terrain, au sein des services et dans l’ensemble des échanges que nous pouvons avoir avec les collègues. Ceux-ci font état d’un désarroi profond où se confond le sentiment de ne plus être écouté ou compris par les pouvoirs publics et par nos tutelles. Les vœux au monde la santé du Président de la République ont un parfum aigre doux à cet endroit vis-à-vis des directeurs d’hôpital et nous y reviendrons.
 
L’hôpital plongé dans une « crise sans fin », pour reprendre les mots du Président de la République lui-même, où le retour à la normale est désormais bien incertain.

 
Et comment blâmer les directeurs d’un tel ressenti ?
Le Ségur de la Santé a laissé à chacun un sentiment d’inachevé à tous les niveaux, celui d’une réforme qui s’est arrêté au milieu du gué et n’a pas saisi à bras le corps les raisons profondes des maux que rencontrent aujourd’hui les hôpitaux publics. L’année 2022 qui était censée être celle du « retour à la normale » s’est avérée être celle d’une continuité dans l’aggravation, d’un pas supplémentaire dans l’inconnu et dans l’absence de perspectives favorables.
 
Aux conséquences encore perceptibles de la crise sanitaire pour les patients et les équipes se sont enchaînés dans un temps record les crises à répétition des urgences, de la permanence des soins, les épidémies et la raréfaction de professionnels médicaux comme non-médicaux à travers tout le territoire. Pas une semaine en 2022 ne s’est passé sans qu’on apprenne la suspension partielle ou totale d’un service d’urgence ou la mise en place d’une régulation via le SAMU, et ce, fait sans précédent, jusque dans les CHU. Et cela ne s’est pas arrêté à la Saint-Sylvestre.
 
De tels défis auraient pu être gérables il y a encore quelques années, car l’hôpital contient en lui-même les ressources de sa propre résilience. Mais aujourd’hui l’aggravation de l’état général de la situation nous fragilise à un niveau encore rarement atteint, nous amenant à se demander légitimement si le prochain plan blanc ne sera pas celui de trop, celui de la rupture.
 
Sur chacun de ces sujets les DH se sont retrouvés exposés en première ligne, sacrifiant le peu d’énergie qu’il leur restait à trouver par tous les moyens pour garder les lits ouverts et armés, trouver le personnel manquant ou encore maintenir les lignes de garde afin d’assurer la permanence des soins, avec les moyens qu’ils ont.
 
En ce sens, aligner avec la même importance, dans la feuille de route présidentielle, la réforme hautement attendu du financement hospitalier et, d’autre autre côté une nouvelle itération de la gouvernance supposément délétère en l’état pour la survie de l’hôpital, est une forte déception pour les collègues directeurs.
 
Non pas que les directeurs ne sachent pas produire une auto-critique si nécessaire mais parce qu’il est vite oublié que c’est justement la solidarité locale de la gouvernance médico-administrative, inscrite depuis à peine 18 mois dans les textes mais déjà si présente sur le terrain et stabilisée par le rapport Claris, qui fait d’ores et déjà la solidité des actions aux service des équipes hospitalières.
 
Le rapport de la mission Claris en 2020 a pourtant confirmé que dans près de 95% des établissements les relation entre Chef d’établissement et président de CME ne présentent pas de difficulté particulière nécessitant une énième refonte des pouvoirs. Il soulignait même l’efficacité du système de prise de décision actuel basé sur un respect des périmètres de chacun et une coopération nécessaires sur toutes les questions cruciales du fonctionnement de nos établissements. Cela démontre une fois de plus l’éloignement entre la réalité du terrain et les fantasmes médiatiques présentant les Directeurs comme des potentats au sein de leurs établissements issus d’écoles de commerce, « adeptes des tableaux Excel » et en télétravail pendant la période COVID. Cette caricature encore entendue tout le week-end sur les ondes, nous est devenue insupportable. La mise en place des procédures de co-décision et chartes de gouvernance ces deux dernières années est par ailleurs venue formaliser des pratiques déjà largement ancrées depuis plusieurs années dans les établissements.
 
Hélas, il semble que les échos de quelques mandarins et collectifs non représentatifs souhaitant le pouvoir sans les responsabilités aient porté jusqu’au plus haut niveau, oubliant une fois encore que les établissements de santé demeurent des organisations complexes au service des patients. Rappelons à nouveau, s’il le fallait, qu’en droit la responsabilité légale d’un établissement ne se divise pas. Elle doit être incarnée par une personne qui seule peut être le Directeur ou la Directrice de l’établissement qui assume toute la responsabilité de ses décisions devant les autorités compétentes sur le plan administratif, judiciaire et financier. Et que d’ores et déjà, ceux des praticiens qui souhaitent l’incarner individuellement peuvent se porter candidat aux plus hautes responsabilité.
 
Plutôt qu’un tandem administrativo-médical qui existe déjà dans le code de la santé publique et dans la pratique quotidienne, le SMPS postule pour la mise en place d’un véritable trinôme entre le Chef d’établissement, le Président de la CME et le Coordonnateur général des soins afin de représenter toutes les facettes des acteurs du soin dans les établissements de santé
 
Si on ne devait donc faire un premier vœu pour l’année nouvelle, ce serait que cette hypothèse de travail le reste, au risque, sinon, que les déserts managériaux ne viennent compléter les déserts médicauxEn se trompant de modèle et en se trompant de remède.
 
Le souhait porté par le Président de la République à Corbeil-Essonnes le 6 janvier dernier au cours de ses vœux aux acteurs de la Santé de sortir de cette ornière et de cette « crise sans fin » est donc à saluer. Nous apportons d’ailleurs encore notre soutien à l’ensemble de l’équipe hospitalière de cet établissement touché il y a quelques mois par une nouvelle cyberattaque d’ampleur, comme plus récemment celles de Versailles et toutes celles qui vivent cette crise ou une autre, qui agit, ne se plaint pas et reste garante d’une continuité que nous devons à la Nation. Ce qui illustre par l’exemple, une fois de plus, les infinies difficultés que rencontrent nos établissements sur tous les fronts.
 
Un tel discours de politique générale sur l’état de notre système de santé était attendu depuis longtemps tant les enjeux sont grands désormais. Il souligne l’urgence de la situation et la nécessité quasi-vitale de sortir du cercle vicieux de la désaffection dans lequel est enfermé l’hôpital public.
 
Les orientations proposées sont ainsi pour la plupart souhaitables et bienvenues, mais devront s’accompagner de nombreuses attentions.
 
Ainsi l’annonce de la sortie de la T2A sous sa forme actuelle répond à une attente forte de la part des hospitaliers. L’incorporation accrue de critères financiers relatifs à la responsabilité populationnelle, à la logique de parcours et à la permanence des soins doit devenir une priorité qui permettra de redonner du sens à nos futurs projets tout en valorisant les missions du service public hospitalier.
Il n’est en effet plus possible en 2023 que la prise en charge des activités non rentable, la permanence des soins ou la coordination des acteurs à l’échelle d’un territoire ne soient soutenus quasi uniquement par les établissements publics de santé.
 
Et si cette allocution présidentielle fut l’occasion de fixer un nouveau cap pour le système de santé, nous ne pouvons que déplorer que nombreux sujets de fond qui minent aujourd’hui nos établissements n’aient pas été sérieusement abordés :Le carcan budgétaire que nous connaissons depuis près de deux décennies, durci par la flambée des coûts de l’énergie en 2022, n’est ainsi toujours pas intégré dans l’équation de nos difficultés.La pénurie de professionnels soignants, médicaux mais également administratifs et techniques, grands oubliés de l’urgence médiatique et également affectés par la désaffection pour l’hôpital public.La persistance des injonctions contradictoires, la permanence des reportings ou encore la complexité et le manque de souplesse du cadre réglementaire dans lequel nous évoluons et qui ne répond plus à nos besoins de réactivité, d’attractivité et de développement de nos activités. 
2023 vient dont à peine de commencer que les perspectives à venir à court terme ne s’annoncent pas sous les meilleures auspices pour les DH. Le SMPS ne manquera pourtant pas à son rôle et s’impliquera sur tous les sujets et à tous les niveaux pour faire entendre la voix des Manageurs de Santé.
 
Car les chantiers statutaires ne manqueront pas pour cette année pour les Directeurs d’Hôpital.

 
A ce titre, nous restons dans l’attente du prochain rendez-vous annoncé par le cabinet TFP sur la mise en œuvre de la réforme du statut des administrateurs de l’État et aux modalités éventuelles d’une transposition pour les DH.

Si cela ne devait pas avoir lieu, le SMPS ne se satisferait pas d’une absence de décision sur le reclassement des emplois, la revalorisation de notre métier, que ce soit en matière de déplafonnement de la PFR, de suppression du taux d’accès à la hors-classe ou encore de la mise en place d’une véritable politique de QVT ambitieuse et adaptée.
 
De façon plus générale, nous attendons du CNG et des pouvoirs publics que la question de nos conditions d’exercice soit au centre des débats. Nous regrettons qu’aucun mot sur ce sujet n’ait d’ailleurs été évoqué au cours des vœux à « tous » les acteurs de santé. C’est pourtant désormais un point crucial à l’aune de la chute d’attractivité historique que connaît le concours de DH année après année.
 
C’est pourquoi nous demandons d’ores et déjà que l’ensemble des groupes de travail démarrés par le CNG au cours de l’année 2022 portant sur la GPMC, la mise en place viviers de compétences ou encore le développement de politiques de QVT aboutisse à des propositions et à des mesures concrètes. Le SMPS veillera là aussi à ce que ces engagements ne restent pas lettre morte.
 
Un dernier vœu d’importance pour cette année : gageons que nous n’ayons pas à attendre aussi longtemps pour avoir un nouveau ou une nouvelle DG du Centre National de Gestion que le temps qu’il a fallu que soit enfin nommé une nouvelle Directrice Générale de la DGOS ! Nous aurons en effet besoin de la mobilisation de tous pour piloter les travaux à venir et d’un ou d’une DG du CNG qui prenne la mesure des conditions d’exercice actuelles des Directeurs qui ne peuvent plus durer, au risque de la disparition progressive du corps des DH par la fuite progressive vers d’autres métiers moins exposés.
 
Profitons enfin de ces vœux pour l’année nouvelle pour souhaiter tous nos vœux de réussite à nos nouveaux collègues.
 
D’abord à celles et ceux qui depuis le 2 janvier ont rejoint l’EHESP en tant qu’élèves directrices et directeurs et que nous aurons plaisir à rencontrer la semaine prochaine.
 
Ensuite à celles et à ceux qui viennent d’intégrer le corps et assument pour la plupart leurs premières responsabilités en tant que Directrices et Directeurs. 
Ils entrent de plein pied dans un métier passionnant et riche de sa diversité. Nous tâcherons cette année encore d’être à la hauteur de leur engagement pour le service public hospitalier et à les représenter, les accompagner et les défendre en tant que Jeunes Manageurs.
 
Enfin, à vous tous, chers collègues et élus, nous vous souhaitons une bonne année 2023. Qu’elle soit fructueuse de nos échanges, de nos travaux et de nos avancées pour nos collègues Directeurs d’Hôpital.
 
Je vous remercie.