Réforme des retraites : où sont les femmes ?
Alors que le monde de la santé est actuellement frappé par une crise d’attractivité historique, le SMPS tient à rappeler son opposition à un projet de réforme des retraites qui aggraverait ce déficit d’attractivité et qui porte en lui de lourdes conséquences, notamment pour les femmes. 30 janvier 2023
Ce lundi 30 janvier se tiendront les premiers débats portant sur la réforme des retraites au sein de la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale.
A cette occasion, et à la veille d’une nouvelle journée de mobilisation, le SMPS tient à rappeler son opposition à une réforme dont les effets pèseront lourdement sur des établissements de santé à l’attractivité déjà en berne, sur des professionnels épuisés par les vagues de crises épidémiques et structurelles et, in fine, sur la qualité des soins aux patients.
Le monde de la santé est actuellement frappé par une crise d’attractivité historique qui dépasse le cadre français et affecte tous les métiers, dont ceux relevant de la ligne managériale. Les raisons d’un tel marasme sont nombreuses, mais il est aujourd’hui évident que la pression constante et inhérente à nos responsabilités ainsi que les difficultés dans nos modes d’exercice pèsent sur les conditions de travail de nombreux collègues et leur capacité à trouver une articulation satisfaisante entre vie personnelle et vie professionnelle.
Le cercle vicieux dans lequel sont entrés les établissements publics de santé met désormais en danger la pérennité de notre système de santé et appelle à des réponses fortes et des solutions adaptées pour l’enrayer. Cela ne pourra ainsi passer que par une meilleure prise en compte des particularités propres à nos métiers et à des aménagements dédiés en matière de départ à la retraite, notamment en ce qui concerne l’intégration de facteurs relatifs aux risques psycho-sociaux au sein des critères de pénibilités. Ne pas considérer cette réalité au sein des établissements des secteurs hospitaliers, sanitaires, sociaux et médico-sociaux revient à nier leurs missions si cruciale au service de la population et participe à la perte d’attractivité généralisée.
Une réforme des retraites qui pénalise les femmes,
soit près de 78 % de la FPH
De surcroît, la mise en lumière récente des conséquences plus négatives pour les femmes d’une telle réforme, telles que reconnues par le Ministre Franck Riester lui-même (« Les femmes sont évidemment un peu pénalisées » (…) On n’en disconvient absolument pas »), nous interrogent sur sa pertinence.
En effet, les femmes étant moins fréquemment en situation de carrière longue que les hommes, celles-ci seront mécaniquement plus affectées par le recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. D’autant que l’intégration prévue par le projet de loi des congés maternité dans le calcul des annuités pour valider un départ à la retraite à taux plein ne conduira pas à la possibilité d’un départ avant l’âge légal comme c’est le cas actuellement.
Or, avec près de 78% des 1 200 000 millions de professionnels de la Fonction Publique Hospitalière sont des femmes, ce qui en fait le versant de la Fonction Publique le plus féminisé et le plus marqué par les disparités salariales entre les femmes et les hommes. Ces proportions montent par ailleurs à 87% pour la filière soignante et 90% pour la filière administrative.
Dans le nouveau système de retraites telle qu’il est conçu aujourd’hui, les femmes seront en effet davantage touchées que les hommes par le recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. Selon les projections mentionnées dans l’étude d’impact du gouvernement, la réforme aura pour conséquence de reculer de quelques mois l’âge effectif moyen de départ à la retraite.
Mais ces moyennes cachent des disparités entre les hommes et les femmes. Ainsi, les femmes nées en 1972 travailleront en moyenne neuf mois de plus qu’en l’absence de réforme, contre cinq mois de plus pour les hommes. Celles nées en 1980 partiront à la retraite huit mois plus tard, contre quatre mois plus tard pour les hommes de la même génération. Ce décalage s’explique par le fait qu’elles sont moins fréquemment en situation de carrière longue que les hommes, en raison de carrières plus « hachées ». Aujourd’hui 40% des femmes partent à la retraite avec une carrière incomplète.
Par ailleurs, avec la réforme, les femmes qui ont des enfants continueront de bénéficier de trimestres supplémentaires en lien avec le congé maternité. Mais pour une partie d’entre elles, le report de l’âge légal va limiter l’intérêt de cette mesure. Une femme avec enfants qui, grâce à ses trimestres, pouvait bénéficier d’un départ à taux plein à 62 ans devra désormais partir à 64 ans.
Sans oublier que les inégalités salariales entre les hommes et les femmes ont des conséquences sur les pensions : les pensions des femmes sont en moyenne 40% plus faibles que celles des hommes ! Aujourd’hui déjà, elles sont environ 20 % à attendre l’annulation automatique de la décote à 67 ans pour partir à la retraite. Contre 10% chez les hommes.
L’absence d’aménagements spécifiques aux établissements de santé au sujet des retraites va par conséquent s’ajouter à cet état de fait au sein de la fonction publique aux conditions de travail les plus atypiques et aux contraintes ayant sans doute le plus d’impact sur qualité de vie. Qui imagine dans nos équipes pouvoir faire un massage cardiaque à un patient sur un site d’intervention du SMUR ou encore soulever un patient obèse en gériatrie à 67 ans ?
Dans la continuité de nos engagements en faveur de l’égalité professionnelle au sein de la FPH, le SMPS appelle à ce que de telles questions soient intégrées aux débats à venir sur la réforme des retraites afin que les établissements de santé et leurs professionnels ne soient pas une fois de plus les grands oubliés des discussions.
Enfin, les mesures prévues dans le cadre de la réforme n’intègrent pas d’aménagements en ce qui concerne les études longues. En effet, une grande part des manageurs hospitaliers, qu’ils soient cadres, directeurs ou ingénieurs, entrent dans la vie active à des âges plus avancés que la moyenne de la population, principalement en raison du niveau exigé par les concours de la fonction publique de catégorie A et A+ qui exige souvent de longues et intenses préparations. Toute nouvelle réforme visant à mettre en place un système de retraite juste et équitable devra également prendre en compte cette réalité en facilitant le rachat des années d’études pour les agents de la fonction publique.
Ce que demande le SMPS: une prise en compte des spécificités propres aux métiers de la FPH et des aménagements en ce sens
Ainsi, dans le cadre de la réforme des retraites à venir, le SMPS réitère ses demandes : La refonte de l’ordonnance n°2017-1389 fixant les critères de pénibilité en intégrant des critères spécifiques aux catégories dites sédentaires, c’est-à-dire les risques psycho-sociaux.Une révision des plafonds d’intégration des primes dans le calcul des futures pensions et un rééquilibrage accru entre la part indiciaire et la part indemnitaire pendant la période d’activité.L’adaptation de la charge de travail des seniors et une politique volontariste en faveur de la transmission des connaissances, notamment par un accès facilité au temps partiel en fin de carrière, avec une prise en charge des surcotisations et une rémunération améliorée dans ce cas.Faciliter les carrières atypiques et la mobilité en améliorant le calcul de la retraite des futurs polypensionnés vers la possibilité de choisir le régime le mieux-disant.Donner la possibilité de partir à la retraite soit à l’âge légal, soit dès que l’on a atteint 43 annuités de cotisation, si avant âge légal. Les seuils envisagés sont inéquitables obligeant à certains de cotiser jusqu’à 44 annuités. Prendre en compte la situation spécifique des femmes et du congé maternité en abaissant l’âge légal de départ à la retraite pour les femmes ayant eu un enfant ou en intégrant au moins un trimestre par enfant dans le calcul de la surcote. La décote pourrait également être abaissée de 67 à 65 ans pour les femmes pour les femmes ayant eu un enfant.Le renforcement et la démocratisation des systèmes de rachat d’achats des années d’études supérieures pour les agents de la fonction publique. Face à cette injustice, le SMPS affirme son opposition à ce projet de loi tel qu’il est présenté et se mobilisera pour faire valoir ses arguments auprès des parlementaires. A l’instar du mouvement de mobilisation le 19 janvier dernier, et dans un esprit de responsabilité similaire au regard des contraintes fortes qui pèsent sur les cadres, ingénieurs et directeurs pour assurer la continuité des soins, le SMPS demeure fidèle à son indépendance et laisse chaque collègue décider individuellement de son souhait de s’associer au mouvement de mobilisation du 31 janvier 2023. Le SMPS porte la vision des directeurs et des cadres hospitaliers, fidèle aux valeurs d’un service public de santé tourné vers l’avenir |