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Instauration de ratios minimums de soignants : une problématique légitime qui doit toutefois laisser des marges de manœuvre aux établissements

La mise en place de ratios de soignants: un débat légitime qui appelle toutefois à la prudence

L’adoption récente par le Sénat, à une quasi-unanimité, de la proposition de Loi du Sénateur Bernard JOMIER visant à instaurer des ratios minimums de soignants par patient hospitalisé est venue relancer un débat déjà ancien au sein des établissements de santé.

L’objectif affichée par la mise en place de ces ratios, qualifiées de « cibles à atteindre », est de redonner aux équipes soignantes de meilleures conditions de travail ainsi que d’offrir aux patients une meilleure qualité de prise en charge.

Le texte adopté prévoit ainsi que le non-respect des ratios au sein d’un service pendant une durée de trois jours doit conduire le directeur de l’établissement à saisir l’ARS afin d’informer de la difficulté à assurer le nombre minimum de soignants non-médicaux requis. A l’échelle des établissements, l’organisation des soins au regard des ratios sera quant à elle soumise à l’approbation des CSIRMT.

Le SMPS considère qu’un tel débat est légitime. Toute initiative allant dans le sens d’une amélioration des conditions de travail des soignants ainsi qu’un meilleur soin apporté au patient doit être saluée. Plus de soignants au lit du patient est une garantie d’une plus grande disponibilité et par la même d’un meilleur soin, et donc logiquement de moins d’effets de second tour tels que des réadmissions. Toutefois, il s’agit de demeurer vigilant vis-à-vis de propositions pour adapter cette proposition à la situation actuelle de nos établissements et à des profils de patients plus hétérogènes, plus lourds et plus dépendants que jadis.

La mise en place des ratios, sans en nier les qualités, risquent de mettre davantage en difficulté nos établissements, déjà lourdement fragilisés.

Car c’est malheureusement là que la bât blesse. Les vœux portés par ces ratios vœu ne peuvent pas s’affranchir d’un certain principe de réalité.

Il convient en effet de rester prudent sur les conséquences d’une telle mesure au regard de la situation particulièrement fragile dans laquelle se trouve actuellement nos établissements. Alors que de nombreux établissements peinent déjà à assurer le nombre minimal de soignants pour les services normés que sont la réanimation ou les soins intensifs, comme le soulignait déjà un rapport en 2018 un rapport de la Chambre régionale des Comptes d’Ile-de-France pour l’AP-HP (lien vers le rapport), l’instauration de ratios minimums pour l’ensemble des services de soins risque en effet de profondément de mettre en difficultés beaucoup d’établissements fortement atteints par la raréfaction de professionnels soignants.

Ainsi, même si les fondements de cette proposition de loi vont dans le sens d’une amélioration du fonctionnement de nos organisations, il ne faut pas davantage mettre en difficulté nos établissements. La crise d’attractivité persistante que nous connaissons s’est en réalité depuis déjà plus d’un an muée en crise de fidélisation alors qu’aujourd’hui près de 10% des emplois infirmiers sont non pourvus à l’échelle nationale.

Il faut également veiller à conserver une certaine liberté organisationnelle au plus proche du terrain. Plus que des normes nouvelles, cela implique de travailler conjointement de façon plus approfondie et d’œuvrer à des organisations plus souples, basées notamment sur la délégation.

Sans hausse massive des moyens alloués aux hôpitaux et sans engagement en faveur d’une véritable politique de formation massive de nouveaux paramédicaux, ces ratios minimums, s’ils deviennent opposables, seront à l’origine de suspensions mécaniques d’activité faute professionnels suffisants. Un tel scénario ne viendrait dès lors qu’accroitre la crise profonde et structurelle dans laquelle évolue les hôpitaux depuis trop longtemps.

La crise sanitaire a permis de faire entendre la voix de l’ensemble des hospitaliers, et le Ségur de la Santé, dont ont bénéficié cadres paramédicaux en 2021, fut une réponse à ces attentes légitimes. Pour autant, il ne fut qu’un rattrapage face à près d’une décennie d’absence de revalorisations et de reconnaissance de l’accroissement constant d’activité dans les établissements publics de santé.

Le texte adopté doit désormais être transmis à l’Assemblée Nationale pour être discuté. Le SMPS et ses élus demeureront vigilants à la poursuite des débats.