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Comité Consultatif National du 27 janvier 2023 – déclaration liminaire du SMPS

 Crise d’attractivité des établissements, démographie des corps de direction en berne, Directeur-bashing: les Directeurs de la FPH ont besoin d’engagements clairs des pouvoirs publics et d’actes forts face à l’urgence !




  
Nous voici réunis pour cette séance d’installation du Comité Consultatif National, le premier de cette nouvelle mandature. Nous renouvelons nos vœux à tous ses membres, notamment les nouveaux élus et à toutes les équipes du CNG.
 
Les élections professionnelles de décembre dernier ont permis un renouvellement de cette instance, signe d’une vitalité démocratique qu’on ne peut que souhaiter ainsi que de la volonté de plus de collègues de s’engager pour les métiers qu’ils exercent.
 
Nous tenons encore une fois ici à remercier les collègues des trois corps de direction qui par leurs votes nous ont permis de sortir renforcés sur cette instance désormais centrale du dialogue sociale. Si nous ne devions ainsi faire qu’un seul vœu pour cette nouvelle mandature pour ce Comité Consultatif national, c’est qu’il soit le lieu d’échanges fertiles, de travaux ambitieux et de résultats à la hauteur des enjeux que nous connaissons toutes et tous.
 
Cette confiance renouvelée nous engage donc, et ce d’autant plus que les attentes des collègues sont grandes vis-à-vis de leurs représentants et des pouvoirs publics. Les élus du SMPS veillerons par conséquent à ce que tous les sujets relatifs à nos métiers et à nos conditions d’exercice soient abordés et traités avec le pragmatisme et la rigueur qui nous caractérise.
 

Les conditions d’exercice dantesques que nous vivons sont inédites dans cette crise sans fin à l’hôpital comme dans les secteurs sociaux et médico-sociaux.
 
Alors que le redoux éloigne avec lui la vague de grippes hivernales et les regards médiatiques, nos établissements n’ont en réalité que rarement été aussi fébriles. Car toutes les problématiques de fond demeurent sur le terrain, tous les services craquent les uns après les autres et il ne se passe pas une semaine sans qu’on apprenne que des urgences suspendent leur activité ou soient à deux doigts de le faire faute de personnel en mesure d’assurer l’accueil des patients.
 
Et que penser de notre système de santé quand on voit que certains établissements, comme le centre hospitalier de Nevers, sont contraints de mettre en place un pont aérien pour assurer la continuité des soins sur leur territoire ! Il y a près de deux ans l’envoi massif de soignants dans les outre-mer pour soutenir les établissements sur place semblait déjà être une opération hors-normes, nous voilà à envisager ce type de sauvetage de la dernière chance en métropole. Nul n’aurait pu l’imaginer à l’époque, mais c’est pourtant aujourd’hui une réalité et on ne peut que s’inquiéter légitimement pour les mois à venir face à de telles perspectives.
 
L’entrée en vigueur prochaine des dispositions issues de la Loi Rist sur l’intérim médical au 1er avril 2023 semble d’ailleurs totalement surréaliste au regard de ce contexte cataclysmique. Comme à l’accoutumée, ce sont les établissements qui vont payer le prix de l’impréparation des conséquences d’une telle mesure et ce seront les Directeurs qui devront assumer le recours à la gangrène qu’est l’intérim médical, quitte à engager une fois encore leur responsabilité financière devant la Cour des comptes.
 
Et quand même les CHU, malgré leur visibilité et leur aura, peinent à recruter des professionnels médicaux et soignants on ne peut que craindre le pire pour les établissements les plus périphériques et victimes de cette métropolisation dévorante. Ce constat de « fuite vers les métropoles » s’observe d’ailleurs désormais chez les Elèves-Directeurs dès l’EHESP dans une logique de sécurisation des parcours et d’ouverture des perspectives professionnelles qu’on peut en même temps comprendre et déplorer.
 
Dans un autre domaine, l’engagement vers une réforme de la T2A est la bienvenue tant celle-ci s’avère inadaptée à la logique de soins et de coordination des parcours. Pour autant, la promesse de sortir d’un « tout T2A » qui n’a jamais réellement existé ne sera pas la solution tant espérée à nos difficultés financières.
 
Il faudra le marteler, mais la T2A n’est qu’un outil, et si on ne peut que soutenir son évolution celle-ci ne changera rien au carcan budgétaire qui nous enserre depuis près de deux décennies et limite nos marges de manœuvre.
 
Voilà pourtant le cap fixé par les pouvoirs publics. L’issue de ces débats et de ces transformations seront structurantes et cruciales pour nos établissements et l’avenir du système de santé, le SMPS ne manquera pas d’accompagner ces travaux, de s’exprimer sur leurs avancées à chaque fois que ce sera nécessaire et de soutenir l’ensemble des collègues qui verraient leur responsabilité engagée pour avoir seulement assurés leurs missions.
 
Plus récemment, l’annonce par le cabinet du Ministère de la Transformation et de la Fonction Publiques de l’arrimage du corps des Directeurs d’Hôpital sur le nouveau régime des Administrateurs de l’État, avec une mise en œuvre au 1er janvier 2024, est apparue comme une réjouissance bienvenue au milieu du marasme.
 
L’accent mis sur la prise en compte et la reconnaissance des spécificités propres à la FPH et à nos métiers est également à souligner, elle montre une volonté d’écoute et d’adaptation qu’il s’agit de saluer une fois de plus. Elle permettra également de corriger la mise en place du quota d’accès à la hors classe, mesure inique et injuste dont nous appelions depuis le premier jour au retrait.
 
Nous ne pouvons toutefois nous contenter d’une revalorisation qui ne concernera que le corps des Directeurs d’Hôpital. La décennie de stagnation statutaire depuis la mise en œuvre du protocole d’accord en 2012 a concerné tous les corps de direction de la FPH, D3S et Directeurs des soins compris.
 
C’est pourquoi nous appelons le Ministère à engager urgemment l’ouverture en parallèle de chantiers de revalorisations les concernant également, avec les mêmes ambitions de reconnaissances à la hauteur de leurs responsabilités et qui devront concerner le régime indiciaire, le régime indemnitaire, notamment le déplafonnement de la PFR, l’élargissement des critères d’accès à la classe exceptionnelle, la refonte des emplois fonctionnels  ainsi que l’amélioration réelle de nos conditions d’exercice par la mise en place d’une véritable politique de QVT dédiée aux Directeurs.
 
Chacun dans leurs domaines les trois corps de direction représentés au sein du CCN participent à la réalisation du service public hospitalier et ont vus leurs conditions d’exercice se dégrader dans des proportions insoutenables.
 
Ils doivent par conséquent être valorisés comme tels ; C’est la condition préalable à l’émergence du Ségur des Directeurs que nous appelons de nos vœux depuis des mois, les D3S et les Directeurs des Soins ne peuvent plus attendre.
 
Et pour cause, il suffit de s’intéresser à l’entrée à l’EHESP de la nouvelle promotion des Directeurs des soins pour mesurer l’ampleur de la crise qui touche nos corps : sur 85 postes ouverts seuls 32 ont été pourvus, faute de candidats. A chaque publication de postes de Directeurs des Soins la liste de postes vacants s’allonge quand dans le même temps le nombre de titularisés en sortie d’école diminue.
 
Pour les D3S, la situation démographique du corps deviendra à moyen terme insoutenable au regard de la chute considérable de leur nombre depuis 10 ans, plus de 12%. Il y a donc une urgence vitale à soutenir ces métiers et à renouer avec l’attractivité au risque de perdre des compétences essentielles pour le bon fonctionnement des établissements médico-sociaux qui au plus proche du territoire agissent également pour le bon fonctionnement de notre système de santé.
 
Rappelons-nous que le corps des D3S se remet à peine d’une année 2022 marquée par le démembrement des métiers de l’enfance dans le cadre de la loi 3DS.
 
Car au manque de reconnaissance flagrant de la part des pouvoirs publics envers les secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux s’ajoute l’isolement de leur exercice à la fois géographique et en termes de responsabilité. Pour les chefs d’établissements, les relations avec leur autorités de tutelle sont souvent marquées par un manque de considération, voire du mépris. Nous ne cessons de recevoir des témoignages de directeurs d’EHPAD, d’Hôpitaux de Proximité ou d’USLD pour qui l’épisode de l’évaluation se résume à une rencontre non préparée, au mieux avec la délégation départementale de l’ARS, parfois avec des agents qui n’ont pas l’expérience ou les qualités requises pour être évaluateurs et au pire à une absence d’évaluation. Ce manque de respect envers le corps des D3S, si durement touché par la crise sanitaire et par la pénurie de professionnels, ne peut plus durer.
 
Nous ne pouvons de surcroît pas passer sous silence la multiplication des intérims de chefferie d’établissement, notamment pour les D3S, dont la durée tend à s’allonger à mesure que les tutelles ne parviennent pas à recruter des remplaçants. Ces conditions d’exercice tendent à alourdir la charge de travail des D3S fortement engagée pour maintenir la continuité de ces établissements essentiels sur l’ensemble du territoire et pourtant trop souvent mis à la marge de métropoles plus attractives. Enfin, pour une reconnaissance indemnitaire médiocre et là aussi non-revalorisée, trop de collègues se retrouvent contraints d’assurer ces missions censées être temporaires en mettant en danger leur établissement, leur santé et leur vie personnelle.  
 
Comment dans ces conditions pourrions-nous blâmer celle et ceux qui font le choix de quitter un corps sous-valorisé, sous-reconnu et sous-considéré ?
 
 
Tant de travaux à mener dans les quatre années à venir pour nos métiers, mais qui sont à plus d’un titre cruciaux pour l’avenir de nos corps, leur attractivité et le bon fonctionnement des établissements de la FPH. C’est pourquoi le système de santé public dans son entièreté n’a plus le luxe d’attendre.
 
Enfin, les élus du SMPS se fixent comme objectif pendant la durée de cette nouvelle mandature d’investir l’ensemble des thématiques faisant partie des attributions du Comité Consultatif National, en particulier les questions relatives à l’amélioration des conditions de travail au sein de la formation spécialisée.
 
Ajoutons également depuis ce premier janvier 2023 l’ajout parmi les missions du CCN la lutte contre les discriminations. Ce sujet nous tient particulièrement en cœur, notamment en ce qui concerne la lutte pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de la FPH.
 
Nous portons d’ailleurs ce sujet avec d’autant plus d’acuité que la fonction publique hospitalière, bien qu’étant la plus féminisée des fonctions publiques, est encore à mille lieues d’atteindre la parité en ce qui concerne les nominations aux chefferies d’établissements, notamment pour les centres hospitaliers. Ce scandale ne peut plus faire l’objet d’espoir déçus mais au contraire d’actions résolues pour réparer un état des faits anachronique dans le cadre d’un mouvement général de féminisation des postes à responsabilité. Là aussi, le dialogue social doit amener à une plus grande sensibilisation des acteurs et à la production de normes qui modifieront rapidement cet état de fait.
 
Mais pour nos collègues, qu’ils soient DH, D3S ou DS il y a une unanimité sur un point : le constat d’une dégradation progressive et ininterrompue de leurs conditions d’exercice et de la permanence d’injonctions paradoxales, le tout dans le contexte de transformations profondes de la gouvernance. Celles-ci ont considérablement modifié nos exercices professionnels, élargissant nos périmètres de responsabilités et nos territoires d’exercice au gré du développement des GHT et de la mise en place des directions communes.
 
La perte de sens née de cette crise sans fin, la remise en cause continuelle de nos compétences, le Directeur-bashing en embuscade sont autant d’éléments de notre quotidien qui alimentent le désarroi dans lequel sont plongés de trop nombreux collègues. C’est pourtant aussi grâce à l’engagement et au dévouement de tous les Directeurs de la FPH que le système de santé a tenu malgré les crises à répétition.
 
Cet état de fait doit nous amener à trouver collectivement des réponses adaptées et à la hauteur des enjeux. Autant de travaux qui émaillerons les séances de cette instance. Nous faisons donc le vœu que ces quatre années soient celles du changement de cap pour nos métiers.
 
Ce sera le sens de notre mandat et la pierre angulaire de notre action.

 
Je vous remercie.