CAPN des Directeurs d’Hôpital du 6 avril 2023: Lettre aux DH de demain
La Commission Administrative Paritaire Nationale de ce jour se tient dans un contexte que la plupart des collègues Directeurs d’Hôpital ne connaissent que trop bien.
Il est d’ailleurs une fois de plus à regretter que ces instances, jadis lieu d’un dialogue social riche et constructif, ne soient aujourd’hui cantonnées qu’à un rôle anecdotique, au point d’être essentiellement la caisse de résonance du ressenti de toute une profession.
Un tel dialogue social atone est bien regrettable. Car s’il appartient aux élus siégeant dans ces instances d’être les porte-voix des problématiques rencontrées par l’ensemble des Directeurs d’Hôpital, notre responsabilité est également d’œuvrer à bâtir de façon collective les solutions visant à sortir nos métiers et nos établissements de l’ornière dans laquelle ils se trouvent. Saluons néanmoins l’ouverture très récente d’un premier épisode de réunions portant sur les revalorisations du corps des Directeurs d’Hôpital et dont les prochaines se tiendront en mai. Les attentes de la part des collègues sont d’autant plus grande que nous sortons de près de plus d’une décennie de stagnation statutaire. Ajoutons également le retard pris pour la publication du tableau d’avancement au GRAF et, de surcroît, l’absence d’information claire vis-à-vis de la publication supposément prochaine du tableau d’avancement à la Hors classe dont nous ne connaissons ni la date prévue, ni le quota pour cette année et à propos duquel nous n’avons eu aucune réponse à notre demande concernant sa suppression.
Toutefois, à l’heure où la perte de confiance envers les pouvoirs publics atteint son paroxysme, il convient pour nous d’alerter sur les risques à long terme d’un dialogue social appauvri et intermittent. Les DH, à l’instar de tous les hauts fonctionnaires, ont le sens du devoir et de la loyauté. Dans un contexte plus qu’écrasant autour de la réforme des retraites, les DH ont continué d’animer autant que possible le dialogue social dans leur établissement.
Nous sommes nombreux à préférer la recherche d’améliorations constructives et concrètes pour réaliser ce pour quoi nous nous sommes engagés plutôt que des discours creux. C’est pourtant un véritable sentiment d’abandon qui domine aujourd’hui dans le corps, un certain nombre de collègues se questionnant entre le départ de la FPH ou la grève pour signifier leur désarroi et leur colère.
Il n’est en effet pas plaisant de tenir un tel discours, mais on ne peut que constater que depuis trop longtemps les DH évoluent dans un climat de défiance où la moindre nouvelle évocation de l’exercice de notre métier est l’occasion d’une nouvelle salve de « directeur-bashing » où les critiques les plus acerbes pleuvent sur les réseaux sociaux comme nous avons pu malheureusement l’observer à l’occasion des journées de notre association professionnelle.
Devrions nous rendre plus visible notre action des sphères médiatiques sans être caricaturés ? Sans aucun doute.
Fait-on reposer sur les Directeurs des problématiques insolubles et une responsabilité hors norme, introuvable ailleurs dans la Fonction Publique ? Assurément. Les points de comparaison sont rares.
Ainsi, comment dans un tel contexte espérer rendre à nouveau le métier de Directeur désirable, ne serait-ce qu’au regard de nos conditions d’exercice et des tensions au sein des établissements ?
C’est pour ainsi dire le message porté par le Ministre de la Santé et de la Prévention au cours des Journées de l’ADH du mois dernier. Il s’agit ici de saluer la clarté d’un propos venant apporter un « soutien plein et entier » aux DH, qualifiés de « maillons indispensables (…) capables d’insuffler du sens dans l’action des hospitaliers au quotidien ». De tels mots de reconnaissance sont suffisamment rares pour être apprécié à leur juste valeur.
Ainsi, plutôt que de revenir une fois encore sur l’actualité de nos métiers, émaillée comme vous le savez de projets de gouvernance cycliste, de mise en œuvre d’une loi sur l’Intérim médical qui gagne de la hauteur sous plafond ou encore d’une réforme du financement obscure sans garanties de financer beaucoup d’investissements, il serait peut-être plus opportun de nous projeter et de voir ce qu’il serait désirable d’espérer pour nos futurs collègues ; d’imaginer, une fois n’est pas coutume, le meilleur de ce que nous pourrions souhaiter pour notre corps et ceux qui le font vivre.
Tachons donc d’adresser à nos futurs collègues, celles et ceux qui passeront le concours de Directeur d’Hôpital, un propos juste et optimiste.
« Cher futur collègue, chère future collègue,
D’ici quelques semaines vous passerez les épreuves d’admissibilité du concours d’entrée à l’EHESP pour devenir Directeurs d’Hôpital.
Pour beaucoup d’entre vous il s’agit de l’aboutissement d’un parcours marqué par le souhait de vous engager pour le service public hospitalier. Vous observerez sans doute que vous n’êtes pas si nombreux à composer au cours de cette semaine de printemps.
Évidemment, vous ne pouvez pas le savoir avec exactitude, mais il s’avère depuis quelques temps chaque année les tables d’examen occupées sont de moins en moins nombreuses. C’est une tendance qui s’observe pour l’ensemble de la fonction publique, mais il est indéniable qu’elle est encore plus visible pour la FPH.
Une fois admis, vous intégrerez l’EHESP. L’ « Ecole de Rennes » aura sans doute poursuivi sa mue pour devenir une école de service public modèle pour la fonction publique. Les transformations dans la formation qu’elle dispense, laissant plus de place à l’apprentissage et à la transmission entre pairs, vous donnera, je l’espère, encore plus d’outils qu’à vos prédécesseurs pour être prêts lors de votre prise de poste.
Car c’est bien au moment de votre prise de poste que beaucoup va se jouer. Tous vos collègues avant vous sont passés par ce moment charnière, si ce n’est crucial car vous serez Directeurs, ce qui implique de décider et d’arbitrer. Dans ce futur souhaitable, vous pourrez vous appuyer sur vos deux ans de formation de qualité, mais également sur le soutien de collègues pour qui le mentorat et l’accompagnement sont devenus des pré-requis.
En effet, à l’initiative de quelques organisations, dont le SMPS, la politique en vigueur dans le corps des DH est aujourd’hui d’assurer le meilleur accueil aux nouveaux arrivants dans le corps avec un suivi dédié et individualisé. Une telle pratique est même devenue incontournable tant les postes de Directeurs dans la FPH ne trouvent que peu de comparaisons ailleurs.
Le suivi de carrière individualisé de chaque collègue est d’ailleurs devenu une des lignes directrices fortes de l’action du CNG sous l’impulsion de sa Direction générale dont l’engagement est indéniable. Doté des moyens humains, organisationnels et matériels à la hauteur pour assumer ses missions, le CNG est aujourd’hui en capacité d’assurer ce suivi et de répondre aux demandes des collègues sur leur évolution de carrière. L’innovation dans les pratiques managériales est ainsi devenue une des marques de fabrique de l’institution à l’image de l’évaluation à 360 degrés généralisée pour l’ensemble des DH, comme d’autres corps de la fonction publique, de la mise en œuvre d’une GPMC ambitieuse ou du développement d’outils permettant d’enrichir les parcours, à l’instar du CHESP.
Ces évolutions en germe qu’on ne peut que légitimement espérer pour nos métiers ne doivent toutefois pas cacher certaines incertitudes fortes, ne serait-ce qu’au regard des difficultés rencontrées par le système de santé dans son ensemble.
Je ne peux ainsi que faire le vœu d’un rétablissement de la santé de nos établissements, et pas seulement d’un point de vue purement financier. Les crises à répétition, qu’elles soient sanitaires, organisationnelles ou mêmes morales, ont érodé pour longtemps la confiance des hospitaliers, dont beaucoup s’estiment parfois maltraités. L’impréparation de la Loi Rist fut en son temps un des meilleurs exemples de cette gestion perfectible.
Il faudra par conséquent sans doute encore des années pour retrouver un semblant de stabilité pour que les hôpitaux sur tout le territoire renouent avec la sacro-sainte « attractivité » tant vantée.
Pour les DH que vous serez, il faut là aussi souhaiter que vos conditions d’exercice se soient considérablement améliorées. Vous bénéficierez selon toute vraisemblance des avancées acquises par le biais des groupes de travail du printemps 2023 visant à l’alignement de votre statut sur celui des administrateurs de l’État, avec un déroulé de carrière moins obstrué par des « quotas ».
Cette preuve de reconnaissance des pouvoirs publics pour notre métier, demandée à maintes reprises par les organisations syndicales, vient rappeler encore une fois l’importance du rôle occupé par les DH dans les établissements de santé.
Vous devrez toutefois rester vigilants à ce que ces revalorisations attendues par vos prédécesseurs pendant près de dix ans ne soient pas un écran de fumée vis-à-vis de vos conditions d’exercice et de vos perspectives professionnelles.
Par ailleurs, si nous ne doutons pas d’un point c’est de l’évolution favorable en matière d’égalité professionnelle chez les DH. La dynamique lancée depuis maintenant plusieurs années connaît aujourd’hui une ampleur retentissante qui doit être portée et poursuivie.
A l’heure où je vous écris nous sommes encore loin de l’égalité en matière d’accès aux postes à plus hautes responsabilités, mais nous nous en rapprochons. Il faudra là aussi redoubler d’attention pour les objectifs de parité soient atteints et que les efforts accumulés par nos collègues portent leurs fruits.
Malgré tout, et à l’heure où je vous écris, il est évident que notre corps est atteint d’une véritable hémorragie de ses professionnels vers d’autres métiers que celui de Directeurs d’Hôpital.
Certes, ces mobilités tous azimuts participent à la diversité des compétences et des parcours du corps, mais reviennent-ils et comment valorisons-nous ces pas de côté ? Il est permis de croire que cette tendance au détachement vers la FPE et la FPT ou d’autres Missions participant au service public soit aussi le symptôme de professionnels ne pouvant plus supporter les conditions d’exercice en vigueur à l’hôpital ou la dévalorisation de leur rôle. Il s’agit là d’un sujet majeur, fortement mis en lumière ces derniers temps pour les soignants mais beaucoup moins pour les DH. On ne peut que déplorer l’absence de réponse concertée et ambitieuse pour enrayer ce phénomène de la part des pouvoirs publics.
Il ne doit y avoir aucun sujet tabou sur nos métiers, mais il y en a de toute évidence des plus prioritaires que d’autres. Ainsi la réforme de la gouvernance qui s’opère aujourd’hui n’est clairement pas de ceux-là.
Il faut espérer là aussi, cher collègue, qu’une solution équilibrée soit trouvée à cette pénible fausse question du « tandem » qui porte atteinte à fonctions et nos compétences tout en prêtant le flanc à un directeur-bashing qui fait pour certains office de réflexe à défaut de réflexion.
Vous le verrez, la reconnaissance des pouvoirs publics se veut variable. Un jour reconnus, le lendemain remis en cause. C’est une habitude à prendre mais il faut admettre que cela n’incite pas au dialogue continu et nécessaire entre nos institutions.
Tu pourrais nous croire aigris d’une telle situation. Il serait assurément facile de sombrer dans l’amertume.
Mais il ne faut pourtant pas jeter un voile pudique sur les problématiques que nous rencontrons et au contraire les affronter à bras le corps pour mieux les résoudre. Car sache que ce métier vaut la peine d’être défendu à la hauteur de ce qu’il vaut et de l’engagement des femmes et des hommes qui l’exercent.
Les Directrices et Directeurs d’Hôpital agissent chaque jour pour le service public hospitalier et assument les responsabilités qui sont les leurs au service des patients et en concertation permanente avec les équipes. Si le désarroi qu’ils traversent actuellement avec toute la communauté hospitalière est palpable, les Directrices et Directeurs d’hôpital font partie des solutions pour les hôpitaux de demain. Plus que jamais ils auront besoin d’un cap pour poursuivre leur action.
Je te souhaite en tout cas le meilleur pour cette passionnante carrière. »
Ce ne sont là que quelques mots pour exprimer tout ce que le SMPS et ses élus souhaitent pour les futurs collègues qui nous rejoindront dans les années à venir.