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L’universitarisation des formations paramédicales

A l’aube d’une révolution de nos dispositifs de formations initiales aux métiers paramédicaux, le SMPS manifeste son attention et sa grande prudence face aux effets, déjà visibles, des mesures annoncées et à venir.
La démarche d’universitarisation des formations paramédicales s’inscrit dans une logique initiée il y a maintenant plusieurs années. Aujourd’hui, les mesures s’enchaînent très rapidement dans un environnement de grande incertitude et selon des calendriers qui, une fois encore, mettent à l’épreuve, les grandes capacités d’adaptation des professionnels de la pédagogie (directeurs des soins en instituts, cadres formateurs).
Cette dynamique marque la volonté des pouvoirs publics d’impulser et d’accompagner le mouvement de reconnaissance des professionnels paramédicaux, en leur dispensant un enseignement d’un niveau universitaire plus affirmé. Elle soulève toutefois bon nombre d’interrogations.
Le dispositif « PARCOURSUP » :
Intégrer les instituts des formations paramédicales dans le processus de sélection « Parcoursup » marque notamment la volonté d’élargir les champs de recrutement. Cet élément, s’il peut constituer un atout pour l’attractivité de nos formations, n’est pas sans induire des questionnements aujourd’hui sans réponses très lisibles.
Notre cible de recrutement n’est pas exclusivement constituée de candidats inscrits dans une logique de continuum d’études. De ce fait, une vigilance doit être portée sur la situation de candidats en seconde carrière qui intègrent nos structures de formation, soit dans le cadre des dispositifs de formations continues soit à l’occasion d’une démarche de reconversion. Il ne faut pas induire, par des modalités d’intégrations différenciées, des clivages au sein même des promotions que nous sommes amenés à accompagner vers l’exercice du métier. L’ensemble des candidats ne sont pas tous titulaires du baccalauréat. La perspective, pour ces candidats, d’une année de mise à niveau, sur le principe Diplôme d’Accès aux Etudes Universitaires, conduira les établissements de santé à financer 4 années d’études. Cette mesure ne risquera-t-elle pas d’être dissuasive dans l’accompagnement du projet de progression de ces professionnels ?
Par ailleurs, des questionnements, induits par le dispositif « Parcoursup » subsistent quant :
  • aux lieux d’affectation des candidats (choisis et/ou non choisis),
  • aux modalités d’études des dossiers et des candidatures pour finaliser les listes d’admis,
  • au déséquilibre des prestations et des offres de l’université dans des territoires éloignés de pôles universitaires et dans lesquels elles sont actuellement inexistantes (accès à des ressources universitaires, participation à des séquences pédagogiques en présentiel, engagement des CROUS).
Une offre de formation en cohérence avec un maillage territorial :
La particularité de nos instituts de formation, et plus particulièrement de nos Instituts de Formation en Soins Infirmiers, est de répondre, aujourd’hui, à un maillage territorial qui ne pourra s’accommoder d’une centralisation des lieux de formation autour de pôles universitaires. Les nouvelles organisations, induites par une volonté de maîtrise des coûts de la formation et une plus grande accessibilité des professionnels universitaires dans l’opérationnalité des enseignements doivent être questionnées bien en amont. La répartition actuelle des structures de formation répond aux besoins de recrutement de proximité, dans des domaines sanitaires et médico-sociaux déjà mis à mal par la suppression des rentrées décalées. Ne pas garantir cette proximité de formation risque d’induire l’apparition de déserts paramédicaux et à terme une fragilisation de la liberté d’accès de tous aux soins.
Des formations par l’alternance :
Dans le domaine des apprentissages, la formation des professionnels paramédicaux a démontré toute l’importance de l’alternance, qui associe les apprentissages académiques et les apprentissages professionnels. Cette proximité du terrain constitue un point d’ancrage fondamental et un atout non négligeable pour ces formations. Si nos instituts doivent s’ouvrir aux espaces universitaires, cela ne devra pas se faire au détriment de leur dynamique historique réunissant les espaces des enseignements théoriques et ceux des « pratiques » là où ils se trouvent. L’accès aux espaces de formations encadrées par des pairs en exercice doit être garanti et renforcé, mettant ainsi l’accent sur l’engagement de chaque professionnel dans son rôle de « transmetteur ». Remplacer la formation en alternance par une formation exclusivement universitaire constitue un risque majeur face auquel notre vigilance et notre obligation d’alerte doivent demeurer pleines et entières.
Quel avenir pour les professionnels en place ?
Cela nous est, régulièrement, répété : les perspectives très concrètes de l’universitarisation doivent répondre aux (seules) exigences de l’université. Si ce mouvement ne se fera pas par un simple glissement de nos modes actuels de fonctionnement et de nos dynamiques d’apprentissages, il nous faut être prudents et attentifs aux impacts sociaux des exigences universitaires. L’apparition de titulaires de doctorat dans les domaines concernés par ces mesures de rapprochement et celle « d’enseignants chercheurs » sèment le trouble dans les équipes de cadres formateurs en place. La question de leur légitimité se posera de manière vive à très court terme, si l’université ne porte pas une attention particulière à la reconnaissance de ces professionnels engagés de longue date et qui se sont, sans réserve, engagés et impliqués au service d’une formation professionnalisante reconnue de qualité.
La question de leur avenir dans le domaine de la pédagogie, aujourd’hui sans réponse, est entière et se manifeste par des interrogations croissantes renforcées par la volonté de certification par l’université. Cela alors qu’une majorité de cadres de santé formateurs ne sont pas, aujourd’hui, titulaires de niveaux universitaires qui répondraient aux éventuelles exigences.
Les grands absents de la démarche, des discours, des rapports et des premières mesures de cette logique d’universitarisation demeurent les Directeurs des Soins, Directeurs d’instituts. Leur place, à la direction de ces structures, marquait et marque encore l’importance du lien fondamental entre les structures d’apprentissage et les structures de soins. Il sera donc urgent que leur positionnement et leur légitimité soient objectivement évoqués et clarifiés afin qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle dans l’accompagnement de cette réforme, bien au-delà de lui qui leur est conféré dans l’arrêté du 17 avril 2018 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formations paramédicaux et qui les positionne comme :
  • membres de droit de l’instance compétente pour les orientations générales de l’institut
  • présidents de Section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles d’étudiants
  • présidents du Conseil de la vie étudiante.
Le SMPS, une organisation syndicale attentive aux évolutions des professionnels qu’elle représente :
Le SMPS sera toujours vigilant quant aux positionnements des cadres et des Directeurs des soins, quels que soient leurs lieux d’exercice, et à leur légitimité dans les lignes managériales, y compris dans la sphère pédagogique, et à leurs conditions de travail.
L’inéluctable mouvement de rapprochement de l’université nous invite, plus que jamais à marquer notre rôle d’alerte des pouvoirs publics et à signifier notre volonté à être associés aux débats dès lors qu’ils concernent l’évolution de nos métiers respectifs.