Le syndicat de tous les manageurs de santé
Actualités

« Rist et périls » :
face à l’urgence, le SMPS se mobilise et active une cellule de veille nationale pour tous les Manageurs de santé

L’entrée en vigueur prochaine de la Loi Rist, bien que louable pour lutter contre les dérives de l’intérim médical, risque d’être pour de nombreux établissements déjà fragilisés un remède pire que le mal
Les dispositions de l’article 33 de la Loi Rist relatives au plafonnement des rémunérations extra-réglementaires des médecins s’appliqueront dans trois semaines. A partir du 3 avril 2023, toute rémunération dépassant le plafond de 1 170€ bruts pour 24 heures de service sera rejetée par le comptable public qui en informera le chef de l’établissement concerné. En parallèle le comptable public en informera l’ARS qui défèrera automatiquement ces actes au Tribunal Administratif (Article 33 de la Loi n°2021-502 du 26 avril 2021).
 
Depuis l’annonce de cette entrée en vigueur par le Ministre de la santé et de la prévention en janvier dernier, le SMPS n’a cessé d’alerter les pouvoirs publics et d’informer sur les conséquences évidentes d’une telle mesure au regard du contexte de pénurie médicale sur plusieurs spécialités que traversent de nombreux établissements de santé sur tout le territoire. Pour un grand nombre d’établissements le recours à l’intérim médical demeure tout au long de l’année un mal nécessaire pour assurer la continuité des soins, notamment dans des spécialités en tension telles que les soins d’urgences, l’anesthésie, la gynécologie-obstétrique ou la radiologie.
 
L’ensemble des dépenses liées à l’intérim médical, incluant les contrats de gré-à-gré, représentait en 2013 un coût de près de 500 millions d’euros (rapport Véran). Selon la FHF, dix ans plus tard, ce montant a quasiment triplé à près d’1,5 milliards d’euros. En près d’une décennie, le recours aux médecins intérimaires, jadis ponctuel et contrôlé, s’est mué en véritable « industrie du mercenariat ».
 
L’origine d’une telle explosion du phénomène est à trouver dans les difficultés d’attractivité de nos établissements qui peinent à attirer, fidéliser et valoriser l’engagement des praticiens hospitaliers du fait du creux de la démographie médicale mais surtout de la faiblesse des rémunérations médicales hospitalières comparativement aux autres types d’exercice de la médecine. Ce recours de plus en plus accru à l’intérim médical participe désormais également activement à l’instabilité des équipes médicales en les détournant du choix de l’exercice hospitalier et met en péril la soutenabilité financière des établissements.
 
Le SMPS ne peut que souscrire au constat partagé par l’ensemble des acteurs hospitaliers quant aux dérives de l’intérim médical. En tant que représentants des corps de direction et des manageurs médicaux de la FPH, nous ne pouvons que soutenir toute mesure visant à mieux réguler l’intérim médical, à faire cesser les pratiques de dumping et à lui redonner des tarifs qui ont du sens. Toutefois, les transformations qu’impose la loi Rist auraient dû conduire à un accompagnement approfondi de la part des pouvoirs publics et de nos tutelles permettant d’assurer ce changement de paradigme de façon progressive, adaptée et concertée. Le dernier report datait d’octobre 2021 : il y avait près d’un an et demi pour s’y préparer. Que de temps perdu.
 
Force est de constater pourtant que c’est une fois de plus la précipitation et l’impréparation qui ont commandé l’instauration de ce nouveau régime juridique pourtant annoncé depuis des mois. Depuis quelques semaines les annonces de réduction d’activité, de potentielles déprogrammations d’activités chirurgicales, voire de suspensions temporaires de services se multiplient faute d’intérimaires susceptibles d’assurer la continuité des soins.
 
Sans mesures urgentes, ce sont autant de maternités, de salles de blocs de chirurgie ou de services d’urgences qui devront stopper toute activité du jour au lendemain, sans certitude de reprise, en plaçant la population dans une précarité sanitaire inédite. Pire, les patients qui ne pourront être pris en charge dans ces zones seront logiquement transférés vers d’autres établissements qui devront donc assumer cette activité supplémentaire, augmentant la charge de travail des équipes des centres hospitaliers et CHU les plus proches. Les seuls gagnants à court terme de cette mesure demeurent donc les établissements privés à qui cet encadrement ne s’applique pas, en particulier le secteur privé lucratif au sein duquel les rémunérations médicales sont bien plus importantes que dans le secteur public. Le risque d’une rupture généralisée de la permanence des soins est d’ores et déjà palpable sur certains territoires. Dans le Grand Est par exemple plus de 90% des hôpitaux sont concernés selon la FHF Grand Est (lien vers le communiqué FHF Grand Est).
 
Beaucoup trop de temps a été perdu depuis sans qu’aucun plan d’action national vigoureux et suivi de près n’ait été activé pour préparer cette échéance. Alors que les Directeurs et Manageurs médicaux alertent depuis des mois sur la gravité de la situation, les consignes données aux ARS se sont globalement limitées à recenser les cas de tension manifestes. Au point d’entendre le niveau national minimiser l’ampleur des difficultés à venir, comme quoi « C’est un moment difficile à passer, c’est l’affaire d’un mois ».

Ainsi, face au déni de réalité de certains et à l’absence d’organisation concertée à l’échelle des territoires, les Directeurs et Présidents de CME n’ont à ce jour eu d’autre choix que d’informer leur communauté médicale, leurs élus et leurs tutelles des inévitables conséquences sur l’offre de soins portée par leur établissement.
 
A la décharge de nos tutelles, rien n’a été en réalité prévu pour accompagner l’application de la Loi Rist. De l’étude d’impact quasi inexistante sur la question de l’intérim médical jusqu’aux discussions à l’Assemblée, les risques pour notre système de santé n’ont pour ainsi dire pas été évoqués au cours des débats parlementaires sur la mise en œuvre de cette mesure (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b1681_etude-impact.pdf). On ne peut que déplorer cet état de fait au regard de la gravité de la situation.
 
Le SMPS appelle à une mobilisation générale de tous les acteurs de la santé pour parvenir à passer ce cap et à préparer les conditions nécessaires pour redonner de l’attractivité aux établissements publics de santé

 A désormais trois semaines de cette échéance, le SMPS demande urgemment :
Que des dérogations encadrées soient accordées pour les services publics indispensables et isolés pour lesquels les seuls plans de continuité d’activité des GHT ne suffiront pas à combler des lignes entières de permanence des soins ;
Que chaque Directeur général d’ARS communique aux élus et à la population sur l’état de la situation dans sa région afin de ne pas laisser les Directeurs et Présidents de CME seuls face à la population et la presse pour expliquer ce qu’il va se passer sur l’offre de soins des établissements. Certains DG d’ARS ont déjà initié ces démarches ;
Que les contrats dits « de motif 2 » proposés aux médecins intérimaires fassent l’objet de « chartes motif  2 » établissements-ARS, de contrôle approfondis des ARS et surtout coordonnés entre elles. Il apparaît que certaines ARS laissent signer des contrats au-delà du plafond et sans règles claires, quand d’autres contrôlent rigoureusement chaque contrat signé ;
Que la prime de solidarité territoriale puisse être élargie et activée autant que possible pour combler les besoins ponctuels sur les plannings médicaux, dans un cadre concerté et coordonné à l’échelle des GHT afin d’éviter une nouvelle surenchère sur ce dispositif ;
Que des cellules de transferts obstétricaux soient mises en place dans toutes les régions et soutenues par les ARS pour ne pas laisser les établissements seuls gérer les fermetures temporaires de maternités et les conséquences sur les parturientes ;
Que les potentielles rétro-commissions réalisées par les sociétés d’intérim au profit des intérimaires soient contrôlées avec rigueur et efficacité par le Ministère du Travail et les DREETS;
En dernier recours, que les préfets usent des réquisitions de médecins spécialistes du secteur privé lucratif et libéraux pour participer à la permanence des soins. 

La combinaison de ces mesures peut laisser un espoir qu’une partie des intérimaires accepteront de signer ces contrats en s’engageant plus durablement au sein des établissements du service public hospitalier et que certaines fermetures ne soient que temporaires.
 
Au-delà de l’échéance du 3 avril, il apparaît désormais clair aux yeux de tous que le Ségur de la santé pour les équipes médicales qui exercent à l’hôpital public est loin d’avoir réduit les écarts considérables de rémunération avec les autres types d’exercice médical et que les contraintes de la permanence des soins à l’hôpital public restent insuffisamment valorisées.

Si les manageurs de santé sont pleinement engagés pour améliorer les conditions de travail à tout niveau dans les services, cette impasse sur la rémunération médicale hospitalière doit impérativement être remise sur la table et relève avant tout de la responsabilité de l’Etat.
 
Face aux risques majeurs des semaines à venir et à l’impact sur l’exercice de leurs missions, les Directeurs, Responsables médicaux et Cadres, peuvent compter sur le SMPS et ses équipes en région pour être à leurs côtés. Conscient de l’état de tensions du moment, le SMPS active en urgence une cellule de veille mobilisant l’ensemble de ses élu-e-s auprès de laquelle chaque collègue peut faire remonter ses difficultés et pouvant être mobilisée 24H/24 et 7J/7 via l’adresse contact@smpsante.fr