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Instance collégiale D3S du 13 juin 2023: « L’Odyssée du médico-social »

Alors que la Loi « bien vieillir » a clairement occulté la question du financement des EHPAD, et que la problématique concernant les structures du handicap demeure dans les limbes, les amphitryons de l’innovation redoublent d’effort pour renvoyer les sujets majeurs aux calendes grecques au profit de propositions cosmétiques permettant de toujours voguer de Charybde en Scylla.

Pardonnez d’avance les métaphores filées et mythologiques, mais pour nombre de D3S le quotidien s’apparente de plus en plus à une Odyssée interminable. Depuis déjà des années le sort des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux ne tient plus qu’à un fil, et il suffirait d’un souffle pour qu’une Moire le coupe. Or les pistes de solutions pour sortir de cette ornière à ce jour semblent bien maigres.

Ainsi la proposition déposée à l’Assemblée nationale en avril dernier de mise en place d’un « Groupement Territorial social et médico-social », ou GTSMS, regroupant les établissements chargés de la prise en charge des personnes âgées et en situation de dépendance ne convainc qu’à moitié. Tenant compte de ses aînés GCSMS et GHT, cette disposition rendrait obligatoire pour les établissements publics autonomes l’adhésion à un groupement, tout en laissant le choix dans l’exercice a minima d’une compétence obligatoire, avec prise d’effet prévue pour le moment au 1er janvier 2025.

Sur ce dernier point, on ne peut que saluer la reconnaissance du législateur des demi-succès des formules de coopération. Le GHT est à cet égard un bon exemple où les compétences facultatives prouvent plus l’intérêt de l’outil que l’objet des compétences obligatoires pour lesquelles il a été créé, preuve, s’il en fallait une, que les acteurs de terrain travaillent mieux ensemble lorsqu’ils sont dépourvus de contraintes olympiennes. Le GTSMS donc est une formule de coopération qui semble nécessaire eu égard aux obligations nouvelles qui s’empilent ces dernières années. Il est en revanche insuffisant.

De nouveau, à aucun moment la question des moyens d’exercice des compétences n’est posée. La réponse de principe fondée sur les économies d’échelle induites est fallacieuse et demeure une nouvelle externalisation des contraintes destinées à poser les directions en mauvais gestionnaires.

La coopération est depuis longtemps acquise par les D3S, en ajouter ne viendra pas fondamentalement améliorer leur situation. Elle ne vient ni pallier le défaut d’attractivité du métier, ni soulager les intérims prolongés. Les collègues se voient contraints de prendre des responsabilités supplémentaires pour une indemnisation symbolique eu égard de la charge de travail. Nombreux sont ceux qui nous remontent leurs difficultés quotidiennes, leur lassitude. Peu osent les remonter de peur de représailles qui viendront sans aucun doute : on n’arrête pas la planification et, à défaut d’organisation, l’intendance suivra.

Or, pendant ce temps, les listes de postes vacants s’allongent et les D3S poussent leur rocher, inlassablement, tels les Sisyphe qu’ils sont devenus.

La comparaison n’est d’ailleurs pas exagérée quand on voit les myriades d’appels à projets que les collègues sont chargés de rendre avant l’été. Quand débloquer le moindre budget permettant d’améliorer un tant soit peu le quotidien des agents, des résidents ou des usagers consiste à transmettre une fois de plus des dossiers contenant encore et toujours les mêmes informations, pour censées être connues de la tutelle à force de répétition, on peut avoir le sentiment légitime d’une certaine parenté avec celui qui peine à atteindre le sommet du Tartare.

Il faut imaginer Sisyphe heureux, certes, et nous n’en demanderions pas plus à vrai dire car, comme le disait le philosophe « il n’est guère de passion sans lutte » ; et de la passion, les collègues n’en manquent pas. En matière d’usage de métaphores comme en poids des responsabilités, tout est question d’équilibre.

Finalement, et contrairement aux affirmations du poète « Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage », les D3S peuvent se reconnaître dans le héros grec né dans un cri de colère.

En attendant, vogue la galère.