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Handicap et Outre-Mer :un rapport sénatorial accablant etdes recommandations pour une politique sur-mesure

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Lancé à la fin de l’année 2024, le travail mené par la délégation Outre-Mer du Sénat a donné lieu à un rapport parlementaire sur la situation du handicap dans les territoires ultramarins.

Rendu public le 3 juillet par les Sénateurs Micheline Jacques, Akli Melloui et Annick Petrus, ce rapport dresse un constat sans appel : les besoins sont considérables, les réponses insuffisantes et les retards préoccupants. 

Pendant six mois, les rapporteurs ont auditionné 150 personnes et se sont rendus en Guadeloupe, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.  
 Des données imprécises et une invisibilisation des besoins


Premier obstacle identifié : l’imprécision et la faiblesse des données disponibles sur le handicap dans les Départements et Régions d’Outre-Mer (DROM), ce qui rend difficile toute planification efficace. Cette invisibilisation statistique masque pourtant une réalité alarmante : la proportion de personnes en situation de handicap est plus élevée dans les Outre-mer qu’en Métropole, en particulier chez les enfants.
 

Cette surreprésentation des personnes en situation de handicap s’explique par plusieurs facteurs aggravants : le syndrome d’alcoolisation fœtale, cinq fois plus fréquent à La Réunion que la moyenne nationale ; l’exposition aux métaux lourds en Guyane ; la pauvreté structurelle ; la prévalence des familles monoparentales ou encore la faiblesse de la détection précoce.

Le handicap reste par ailleurs un sujet encore tabou dans plusieurs territoires ultramarins, freinant la prise en charge et l’inclusion.
 Une politique à adapter aux spécificités locales

Face à ce constat, le rapport formule 16 recommandations, qui insistent sur la nécessité de sortir d’une approche uniforme pour construire une politique de handicap adaptée aux spécificités ultramarines. Parmi elles :

  • La désignation de représentants des Outre-mer dans les instances consultatives nationales sur le handicap ;
     
  • Une meilleure prise en compte des populations allophones (ayant une langue maternelle distincte de celle du pays où elles se trouvent) ;
     
  • La création de services de repérage et de diagnostic précoces ;
     
  • Le renforcement du principe de l’ »aller vers », en lien avec les difficultés de mobilité propres aux DROM ;
     
  • La priorisation des DROM, notamment Mayotte et les îles du Nord, dans les futurs plans de création de places médico-sociales.
     

Un retard préoccupant sur la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits, des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

Le rapport dresse également un état des lieux critique de l’application de la loi de 2005 dans les Outre-mer. Pour les rapporteurs, « nous sommes très loin des objectifs : il faut accélérer, tenir au-delà des effets d’annonce ».

Deux échecs principaux sont pointés :

  • L’accessibilité, notamment l’insuffisance des transports en commun. Le rapport recommande le déploiement d’un service public de transport à la demande pour les personnes en situation de handicap  ;
     
  • L’offre médico-sociale, en particulier pour les jeunes adultes et leur insertion professionnelle, reste très en deçà des besoins. Bien que les Rectorats soient mobilisés, de nombreux enfants se retrouvent sans solution à chaque rentrée scolaire.
     

Des Maison Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) encore inopérantes et une offre de soins lacunaire

La structuration des Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) reste inégale. Alors que la durée maximale de traitement des dossiers ne devrait pas excéder quatre mois, il faut parfois attendre plus de neuf mois en Martinique ou à Saint-Martin.

Le manque de professionnels — orthophonistes, psychomotriciens, psychologues — et leur fort turn-over aggravent les difficultés d’accompagnement et la prise en soin des personnes en situation de handicap.

Le coût de la Prestation de compensation du handicap (PCH) reste également un sujet sensible : le reste à charge est souvent trop élevé pour les personnes concernées.

Le rapport recommande de consolider les MDPH et de mieux articuler les politiques du handicap et de l’autonomie, à l’image des maisons territoriales de l’autonomie mises en place à Saint-Pierre-et-Miquelon.
 Innover et financer : deux priorités

L’innovation locale, comme l’expérimentation d’une Maison d’accueil spécialisée (MAS) « hors les murs » à Saint-Martin, offre des perspectives nouvelles : une organisation moins institutionnelle et une modulation des services en fonction des besoins.

Enfin, les rapporteurs insistent : le rattrapage ne pourra se faire sans un engagement financier fort. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) doit intégrer le coût de la vie élevé dans les territoires ultramarins dans ses dotations.
 

Ce rapport appelle à un changement de paradigme : « faire du sur-mesure » pour les Outre-mer, afin que la singularité des DROM dans la prise en charge des personnes en situation de handicap soit mieux prise en considération dans les politiques publiques.