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Comité consultatif national du 7 décembre 2023 – Déclaration liminaire du SMPS

Le contexte dans lequel s’ouvre ce dernier Comité Consultatif National avant 2024 dénote par rapport à l’an dernier. Alors que 2022 se terminait avec un renouvellement de notre instance à l’issue des élections professionnelles mais sans perspectives concrètes d’évolution pour les corps de direction, 2023 s’achève dans une forme d’ambivalence qui nous laisse dans un entre-deux.

A l’image d’un Janus qui porte un regard sur le passé et sur le futur, il convient donc de faire le bilan de cette année particulière tout en esquissant les perspectives ouvertes.

Cela semble aujourd’hui très lointain, 2023 fut d’abord marquée par les annonces du Président de la République d’un nouveau plan pour sortir le système de santé d’un « jour de crise sans fin ». Souvenons-nous par exemple de la mise en œuvre des dispositions de la Loi Rist sur le plafonnement de l’intérim médical. Bien que souhaitable et nécessaire au regard des dérives constatées ces dernières années, nous avons collectivement constaté dans les quelques semaines avant la date fatidique du 3 avril 2023 l’impréparation générale d’une telle mesure qui, rappelons-le, ne s’applique toujours pas à un secteur privé exempté bien souvent de l’obligation d’assurer la permanence des soins.

Sans donner raison aux Cassandre qui annonçaient déjà la chute immédiate du système public de santé, force est de constater que les mois qui ont suivi furent rudes et ont joué dans les tensions de cet été.

Ce serait toutefois mettre de côté l’ampleur des problématiques RH au sein de la FPH qui vont bien au-delà des seules questions de rémunérations médicales et concernent en réalité tous les métiers qui composent les établissements du service public hospitalier. Pour de nombreux collègues le quotidien ne consiste désormais plus à conduire les équipes et porter des projets, faute de crédits Ségur adaptés, mais bien souvent tout faire pour que leurs urgences soient régulés tant bien que mal la permanence des soins les plus basiques soit assurée sur tout le territoire.

Le tout bien évidemment dans une pression budgétaire qui demeure et qui ne devrait pas se réduire vu l’ONDAM voté très récemment en dessous de l’inflation. A l’heure du retour des plans de retour à l’équilibre, nous ne pouvons que légitimement craindre que les établissements de santé redeviennent la variable d’ajustement budgétaire qu’ils furent pendant de longues années pré-crise sanitaire. A ce titre rappelons que le nombre d’EHPAD publics est désormais sous la barre des 50% et 80% des EHPAD étaient en déficit en 2022, or rien n’amène à croire que cela diminue en 2023, bien au contraire. Il y a donc très peu de signes qui nous laissent entrevoir une sortie favorable en cette période de tensions hivernales.

Mais 2023 fut aussi l’année officielle du démembrement du corps des D3S avec l’entrée en vigueur cette fois des dispositions de la loi 3DS et le détachement dans la FPT des collègues en poste de chefs d’établissement dans le secteur de l’enfance.

La relecture des débats qui ont animé le vote de cette loi laisse toujours autant perplexe et on peine toujours à trouver une raison qui justifie factuellement ces détachements forcés – cas assez rare pour être souligné – si ce n’est le besoin de légitimité de conseils départementaux qui lorgnent désormais ouvertement sur les EHPAD. On peut d’ailleurs déjà constater au sein des instances collégiales D3S que certains collègues reviennent vers la FPH en candidatant à des chefferies dans des EHPAD, quitte à abandonner un secteur de l’enfance en grande difficulté où leur engagement est un gage de qualité indéniable.

Sur le volet de la non-reconnaissance, rappelons une fois encore que les D3S ont été exclus sans sommation du CHESP mais également les DS qui ne se trouvent pas inclus dans le tronc commun mis en place par l’INSP.

En outre, 2023 fut marquée par de nouveaux cas de violences inacceptables à l’encontre d’agents de la FPH. Du fait de leurs missions, les établissements de santé sont bien souvent les réceptacles des tensions que traversent la société. Si on peut expliquer les origines des colères, parfois légitimes, on ne peut toujours pas tolérer qu’elle conduise à de la violence tant pour les soignants que pour les manageurs.

Enfin, deux des points à l’ordre du jour de ce CCN illustrent bien la situation statutaire dans laquelle sont les corps de direction représentés dans cette instance :

  • D’abord le bilan des PFR pour 2022, où nous pouvons constater qu’une majorité des DH, des DS et des D3S en position de chef d’établissement plafonnent sur leur part résultat, n’offrant comme perspective d’évolution que l’avancement d’échelons, le détachement dans le corps des DH ou le tour extérieur pour les DS. Et c’est sans compter sur les disparités que nous constatons encore sur l’attribution de la part résultat pour les chefs d’établissement entre les différentes ARS, pénalisant une grande part des D3S.
  • Ensuite l’ouverture pour les concours de DS, D3S et DH de 2024 d’un nombre de places équivalentes à celles ouvertes cette année. Si nous pouvons saluer la reconduction de ces ouvertures de places qui témoignent du dynamisme et du renouvellement des effectifs des corps, nous ne pouvons qu’être inquiets au regard de la diminution quasi-constante du nombre de candidats sur la décennie écoulée. En nous basant sur les données du CNG pour 2023 et les rapports de jury des années précédentes on peut voir que le nombre de candidats présents pour le concours de DH s’est réduit de 24% entre l’espace de 4 ans. Dans le même temps le nombre de candidats au concours D3S demeure depuis plusieurs années sous la barre des 300. Si nous constatons les efforts pour que nos concours gagnent en visibilité, de telles données restent inquiétantes quand le nombre de candidats présents au concours de nos homologues de la territoriale et de l’Etat ne cesse de grimper.

Le bilan de 2023 est donc relativement lourd pour les Directeurs de la FPH. Mais comme nous le disions plus tôt cette année dénote par son ambivalence. Et sans remettre en cause le talent d’un Pierre Soulages, il n’est pas dans la nature du SMPS de se contenter de noircir le tableau.

En effet, 2023 a aussi débuté avec l’engagement ferme de nos ministères de tutelle de lancer enfin les chantiers statutaires attendu après plus d’une décennie de stagnation pour la fonction publique et de multiples réformes qui ont profondément transformé nos modes d’exercice, faisant notamment du fait territorial un enjeu de notre quotidien.

Et si nous n’étions pas dupes sur la difficulté de tenir les calendriers en ce qui concerne la transposition du statut des administrateurs de l’Etat pour les DH et les revalorisations promises pour les D3S et les DS, nous ne pouvons que déplorer les retards pris et le manque d’ambition des propositions avancées. En particulier pour les D3S et les DS qui tiennent à bout de bras des équipes dont l’engagement et le professionnalisme est ce qui permet encore au service public hospitalier de demeurer fonctionnel et répondre à ses missions.

Avec une méthode de travail peu claire, plus proche de l’échange et de la concertation que de la négociation et dans l’attente d’arbitrages au plus haut niveau qui tardent à venir, nous avons constaté avec perplexité que la revalorisation de l’ensemble des corps de direction de la FPH n’était pas une priorité pour certains acteurs impliqués dans ces travaux.

Ainsi, et malgré les longs mois de silence, le SMPS n’a eu de cesse de porter la voix des trois corps de directeurs de la FPH au plus haut niveau pour faire bouger les lignes et gagner des points dans les négociations à venir.Saluons à ce titre l’engagement renouvelé récemment du Ministre de la Transformation et de la Fonction Publiques au cours de notre journée régionale PDLL d’aller jusqu’au bout du chantier statutaire de transposition pour les DH à début 2024 et de poursuivre cette réforme pour les D3S par la suite.

La poursuite des échanges depuis l’automne dernier ouvre donc un champ de perspectives dans lequel le SMPS sera pleinement investi, en demeurant comme toujours constructif et ferme. Car sans douter de la volonté de nos ministères de tutelle de porter au plus haut le statut des Directeurs de la FPH dans la réforme à venir, nous demeurons vigilants à ce que les spécificités propres à nos exercices soient reconnus et valorisées comme telles.

Il s’agit d’une condition sine qua non à la réussite de toute réforme qui se voudrait être à la hauteur des attentes légitimes des collègues de la FPH.

Enfin, il convient de souligner deux points positifs à mettre à l’actif de cette année riche :

  • Le vote de la loi du 19 juillet 2023 visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique, pour laquelle le SMPS a contribué en apportant des propositions concrètes dont plusieurs furent reprise. La poursuite d’un objectif de nominations paritaires aux chefferies d’établissement ainsi que la confirmation de la mise en œuvre prochaine de l’index d’égalité professionnelle sont une réelle satisfaction qui vont dans le sens des combats que nous portons depuis plusieurs années.
  • Ensuite la reprise des travaux par le CNG en vue de moderniser les outils d’accompagnement et d’évaluation des Directeurs, et qui sont également à l’ordre du jour de ce CCN. Nous constatons le souhait de la part du CNG de prendre à bras le corps ces multiples sujets et pouvons l’assurer de notre soutien dans les travaux à venir. La diversité des métiers et des compétences au sein des corps de direction de la FPH exige une GPMC à la hauteur des enjeux et nous savons que le CNG a besoin de moyens pour cela.

 
Nous ne céderons donc pas à la facilité du marasme et continuerons à œuvrer en 2024 de la sorte. L’avenir des corps de direction se joue dès maintenant et nous ne pouvons nous permettre de manquer ce rendez-vous avec des demi-mesures et des atermoiements.


Le bilan de 2023 témoigne donc une fois encore des difficultés et de la perte d’attractivité de nos métiers. C’est un fait, connu, confirmé et répété et nul ne peut le nier. Nous attendons désormais que les pouvoirs publics prennent conscience des enjeux et du tournant dans lequel nous sommes. Nous serons au rendez-vous.

Enfin, et pour finir sur une note positive, nous adressons toutes nos félicitations à tous les lauréats des concours de DS, D3S et DH. Leur choix d’embrasser la carrière dans la tempête les honore et les réformes à venir devront être à la hauteur de leur engagement.