Le syndicat de tous les manageurs de santé
LE SMPS

Actes du Congrès national 2023 – Table ronde n°4 « Le temps des territoires : le futur des établissements à l’aune des enjeux de proximité et de la transition écologique»

La quatrième et dernière table ronde s’est intéressée au « temps long des établissement » en miroir du développement durable et de la lutte contre le réchauffement climatique. Confrontant des points de vue plus stratégiques et des initiatives très concrètes, cette table a ronde a mis en avant les projets entrepris par les Centres Hospitaliers de Niort (Agenda 2030) ou encore par les CH de Saint Lô et de Coutances (projets de maraîchage et de légumerie en circuit court accompagné d’un chantier de réinsertion sociale) tout en ouvrant des perspectives sur l’investissement à venir des établissements en la matière.

Avec :

  • Florestant Perret, Elève-Directeur d’Hôpital de la promotion Marie-Marvingt, au moment du Congrès, en guise de modérateur
  • Pierre Breton, Conseiller territoires, élus et santé environnementale au cabinet d’Agnès Firmin-Le Bodo (au moment du Congrès)
  • Mathilde Lefevre, Directrice adjointe de la recherche en santé à l‘AP-HM, représentante du Lierre
  • Bernard Jourdain, Chargé du développement durable au Centre Hospitalier de Niort
  • Jorge MARQUES de FIGUEIREDO, Directeur du GIP Restauration collective du Centre Manche

Florestan Perret aborde la table ronde sur un état des lieux de la menace liée au réchauffement climatique. Il y a urgence à transformer nos organisations, à minima pour atténuer l’impact sur le changement climatique. Il faut raisonner sur deux échelles : temporelle et spatiale.

La table ronde portera sur l’idée que les territoires sont une solution à privilégier (synergies, mutualisations, coordination des actions…). Pour autant, la question des temps (stratégique, des organisations, des partenaires…) peut parfois aller contre des visions à long terme au profit de l’extinction de « feux quotidiens ».

Pour cette table ronde, ont été invités Madame Mathilde Lefèvre, Directrice adjointe à l’AP-HM et représentante du Lierre, Monsieur Pierre Breton, conseiller auprès de la Ministre Firmin le Bodo, Monsieur Georges Marques de Figueiredo, directeur exécutif du GIP restauration collective Centre Manche et Monsieur Bernard Jourdain, chargé du développement durable au CH de Niort.

Mathilde Lefèvre introduit sur la pollution générée par les établissements de santé : 8% des émissions de CO2. La France étant engagée dans un certain nombre d’accords internationaux, les établissements seront contraints de s’y plier. A cette crise écologique, il faut mettre en parallèle la crise du sens à l’hôpital public. Si la transition écologique n’est pas la réponse aux problèmes de l’hôpital, elle peut toutefois contribuer à redonner du sens et de la fierté à travailler à l’hôpital public. Par ailleurs, il ne faut pas que les établissements continuent à creuser le problème. La crise écologique aura des répercussions (ruptures d’approvisionnements en médicaments, en énergie…) qui auront des impacts colossaux sur la santé. La crise sanitaire n’a été qu’une modeste répétition par rapport à ce qui se profile !  

Mathilde Lefèvre prend sa casquette de représente du Lierre et ajoute qu’il ne se passe pas grand-chose, malgré la menace, à l’exception de plans de développement durable caricaturaux (achat de gourdes en Chines, par exemple). Elle explique qu’il y a un frémissement depuis quelques mois. Elle salue en ce sens les 50 propositions de la FHF sur le sujet.

Sur la question de la pertinence du GHT, elle est mitigée. Si le soin le moins polluant, c’est celui qu’on ne produit pas, alors le GHT a sa pertinence. Les sujets de mobilité peuvent être portés à l’échelle du GHT, c’est l’occasion de mettre en réseau, de partager. Cependant, les GHT c’est également des regroupements de plateformes, de soins, etc. Les GHT contribue à déplacer beaucoup plus massivement des professionnels.

Pour elle, les transformations ne sont pas à la hauteur, il faut changer les normes, la réglementation, la manière dont on finance les établissements. Les directeurs font aussi face à des injonctions contradictoires, à des dilemmes.

Florestan Perret demande à Bernard Jourdain s’il y a d’autres échelons pertinents que le GHT sur les territoires.

Bernard Jourdain explique que les établissements ne sont pas forcément identifiés, ni associés à toutes les démarches sur la transition écologiques sur les territoires. Il prend le sujet de la mobilité, les établissements de santé contribuent à financer les transports de la collectivité (300 à 400 euros par année et par agent) et ces derniers ne sont pas forcément bien organisés pour desservir l’hôpital.

Bernard Jourdain évoque la région. En Nouvelle Aquitaine, on a fait des liens avec la région pour que les appels à projets s’ouvrent aux établissements de santé, de manière à pouvoir y répondre.

Il précise que ça n’est pas dans la culture hospitalière d’aller chercher là où se trouvent les fonds. L’Agence de l’eau peut financer 70 à 80% d’un projet. L’ADEME va financer un conseiller en mobilité pour le GHT 79 et pour trois ans à 60%.

L’autre démarche en lien avec le territoire, c’est la conception d’un Agenda 2021 et aujourd’hui 2030. On a veillé à ce que les établissements du territoire, y compris les plus petits (Mauléon, CH Nord Deux-Sèvres) soient inclus dans cet Agenda 2023 dont le plan d’action est très concret.

En Nouvelle Aquitaine, a été financé un outil nommé le réseau santé Durable qui permet de faire un diagnostic dans les établissements.

Florestan Perret propose de continuer sur le GIP restauration collective du Centre Manche.

Georges Marques de Figueiredo évoque le projet né en 2010 de la volonté du CH de Saint Lô et de la ville de se doter d’un outil commun pour produire des repas. Les niveaux d’attente entre les secteurs ne sont pas les mêmes, il était sceptique au départ. Le regroupement des activités fonctionne très bien aujourd’hui, notamment dans la perspective de la loi EGALIM (50% de produits locaux et 20% de bio) qui indique que tous les établissements de restauration collective devront atteindre un niveau de qualité de leur matière première en 2022.

Le GIP est l’intermédiaire entre le CH, la ville, l’agglomération. Nous sommes partis d’une analyse de ce qu’on jetait le plus et de la nécessité d’améliorer la qualité de la matière première. On s’est focalisé sur les produits laitiers et les légumes.

Sous l’impulsion du CH qui disposait de terres, on a pu redonner une vocation agricole à ces terres. Le projet de légumerie et de maraîchage est ainsi né en 2018, avec l’aide d’une association en charge de chantiers d’insertion. En 2019, le CH, la banque alimentaire et une association d’aide à l’insertion se sont réunis en une association et ont lancé deux chantiers d’insertion.

-Le premier consacré au maraîchage de produits bios à destination de la légumerie ;

-Le second, la légumerie (épluchage, lavage des légumes) en elle-même située au CH de Coutances, avec 12 salariés en insertion.

Les produits cuisinés alimentent les CH de Saint Lô et Coutances, ainsi que les écoles publiques. La priorité a été donnée à la saisonnalité. 70% de légumes frais sont aujourd’hui proposés dans les assiettes.

Florestan Perret questionne Monsieur Pierre Breton sur l’implication de l’Etat sur ces questions.

Pierre Breton souligne que pour la première fois dans la feuille de route d’un ministre, en l’espèce Agnès Firmin le Bodo, la santé environnement et la planification écologique sont écrits « noir sur blanc ».  Un conseiller dédié a été également été nommé.

Plus globalement, il faut prendre en compte la création d’un secrétariat général à la planification écologique en 2022 et la marque « France nation verte ». Dans cette lignée, la première feuille de route sur la planification écologique pour le système de santé est sortie. La planification écologique, c’est un travail interministériel porté par une task force qui regroupe une vingtaine de personnes.

Dans le dernier PLFSS, une mesure a permis de lancer une expérimentation sur la réutilisation des dispositifs médicaux à usage unique.

Sur la question de territorialisation de cette planification, le système de santé répondra présent. L’ANAP est là pour accompagner les établissements. Ils seront associés au plan interministériel d’adaptation au changement climatique. Il convient également de travailler sur les aides financières et l’accompagnement des ARS et des établissements. A ce sujet, on veille à ce que tous les Projets régionaux de santé incluent un volet transition écologique. Le ministère ira plus loin pour que ça se décline dans les contrats entre les ARS et les établissements et entre l’ARS et l’Etat.

Florestan Perret s’interroge sur la conciliation des temps (temps de la stratégie, de l’urgence, des organisations, des collectivités locales…) qui sous-tend celle de la capacité à mobiliser des ressources en interne dans les établissements.

Bernard Jourdain répond que la première question à se poser est la présence d’un pilote dans l’avion. A titre d’exemple, dans les 50 propositions de la FHF, il est proposé à ce que les ARS pilotent des référents développement durable au niveau régional, au moins un ou deux par ARS. A quoi bon mettre des référents dans les établissements si votre ARS n’est pas moteurs ?

En dehors du temps dédié, il faut une réelle implication de l’équipe de direction. Est-elle formée à la transition écologique ? Monsieur Jourdain dit avoir la chance, au CH de Niort ,d’avoir un DG qui, depuis dix ans, le laisse faire pour construire des projets en commun. Il s’est d’ailleurs formé au bilan carbone.

Florestan Perret explique que la transition écologique, ce sont des actions à très court terme qui sont visibles mais c’est également des actions de plus long terme, qui auront un impact et des externalités positives pour les générations futures. A ce sujet, les directeurs de l’EHESP sont formés sur la transition écologique.

Pierre Breton évoque la formation comme une des priorités des axes de la stratégie de planification écologique. D’ici 2027, les 6 500 encadrants de la fonction publique hospitalière seront formés. Cette formation sera en inter-versant. On travaille avec l’EHESP sur ce sujet pour les corps de direction.

Deuxième point, à plus long terme, on veut renforcer le pilotage. Avec l’appui de l’ANAP, le Ministère a travaillé à la mise en place d’un tableau de bord du bilan carbone des établissements. L’objectif est de voir si on arrive à respecter l’objectif de réduction de 5% des émissions de CO2 par an.

Florestan Perret interroge Georges Marques de Figueiredo sur la question du temps des différents acteurs autour du GIP Centre-Manche.

Georges Marques de Figueiredo répond que le temps a été trouvé sur les temps personnels. Il a fallu argumenter la création de postes dans le champ de l’insertion.

Sur la question du temps long, on a veillé à ce que la production de légumes par le GIP ne prive pas d’autres acteurs économiques de le faire. Le maraîchage peut avoir vocation à s’éteindre au fil du temps dès lors qu’on aura suffisamment de producteurs locaux qui auront franchi le pas de la sortie de l’agriculture conventionnelle. Il insiste sur le sujet du « mieux nourrir » qui est également source de temps. Il donne l’exemple des yaourts fermiers qui ne les ont pas aimés dans un premier temps. Il a fallu deux ans pour qu’ils