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Instance collégiale DH de mars 2023: Tomber 6 fois, se relever une 7ème, peut-être.

Au cœur d’une préoccupation sociale majeure, l’actualité hospitalière ne s’arrête pas et peine à se faire entendre malgré l’ampleur des enjeux.


L’instance collégiale des Directeurs d’Hôpital de ce jour est particulière à plus d’un titre. Anachronique autant que nécessaire.
 
Anachronique car chaque seconde de l’agenda des directeurs d’hôpital est ces jours-ci marqués par la recherche de solutions pour tenir le rendez-vous de la loi Rist de la régulation de l’intérim médical sans y laisser des pans de l’offre de soins. Minute après minute c’est un combat de tous les instants pour affermir les lignes de permanence des soins et ne pas risquer d’exposer les populations.
 
Mais comme nos instances sont devenues rares et que ces moments d’expression des attentes et besoins des directeurs d’hôpital ne sont plus suffisants pour traiter la densité de l’étouffoir dans lequel ils ont la sensation d’évoluer, nous le prenons, ce moment, avec intérêt.
 
Une fois n’est pas coutume, cette instance collégiale aurait pu être un motif de réjouissance légitime au milieu du marasme généralisé au regard du nombre de candidature qu’elle sera amenée à traiter. En effet, avec quasiment une centaine de candidature pour dix postes de chefs d’établissements, neuf emplois fonctionnels et un seul emploi non-fonctionnel, cette instance collégiale est l’une de celle réunissant le plus grand nombre de candidats depuis son instauration.
 
Nous pourrions nous féliciter d’un tel record qui pourrait dénoter une nouvelle dynamique pour les postes à responsabilités et les chefferies d’établissement, témoignant ainsi des souhaits d’évolution des collègues et d’une volonté toujours plus forte de s’engager pour le service public hospitalier.
 
Toutefois, comme souvent, le diable est dans les détails et cette dynamique cache certaines disparités qui demeurent des tendances fortes.
 
Tout d’abord, ce nombre important de candidats tient plus à la redondance des candidatures sur des postes « héliotropiquement » favorisés au cœur d’un hiver morose à plus d’un titre !
 
Cette instance collégiale est ainsi l’illustration de la diminution mécanique des perspectives d’évolutions pour des collègues au gré de la mise en place des GHT, des fusions d’établissements et des directions communes n’ait, encore une fois, pas conduit à une évolution conjointe du nombre d’emplois fonctionnels. s’estimant prêts à de telles fonctions et des raisons qui participent à la perte de cette attractivité qui nous fait désormais tant défaut. Nul ne pourra leur reprocher d’aller dès lors chercher ailleurs les responsabilités qu’ils ne peuvent obtenir en restant leur corps de métiers.
 
Nous rappelons d’ailleurs notre regret dans ce contexte que les formations de haut niveau en inter-fonction publique comme le CHESP ne prennent en compte que les postes de chefs d’établissement pour composer le vivier de hauts fonctionnaires de la FPH qui pourraient y être sélectionnés.
 
Cela met l’éteignoir sur de nombreuses autres fonctions d’adjoints à distinguer et qui font la solidité de la mise en œuvre des politiques publiques à l’hôpital.
 
Il faut aussi malheureusement noter que pour la première fois un collègue a dépassé les 10 ans d’affectation sur son emploi fonctionnel sans solution pour évoluer figure parmi les candidats. De même plusieurs collègues vont atteindre dans quelques mois cette limite ou celle des 8 ans, qui, dans le contexte de plus grande sévérité de la loi TFP sur les renouvellements, précarise plus encore nos fonctions. Le SMPS a alerté depuis longtemps sur cette situation et l’absence de solutions de la part de l’Etat.
 
L’impréparation manifeste des groupes de travail proposé par la DGOS sur l’avenir des emplois fonctionnels avec report, confusion de dates ne nous rassure pas. A l’heure où plus que jamais la prise de responsabilité au sens juridique, judiciaire, social, et financier et maximal pour les directeurs d’hôpital, traiter ainsi la traduction concrète de leur engagement sur les plus hauts emplois n’est pas acceptable !
 

Ce contexte délétère pour les carrières est le symbole d’une quête perdue de la reconnaissance qui est due aux directeurs d’hôpital pour ce qu’ils font au quotidien.
 
Hélas ce nombre important de candidatures permet aussi de mesurer à quel point les lacunes au sein de la fonction publique hospitalière en matière d’égalité professionnelle demeurent malheureusement bien ancrées.
 
Sur l’ensemble des candidatures déposées à cette instance collégiale, les Directrices d’Hôpital n’en représente qu’à peine le quart. Ces données s’inscrivent dans les ratios observés depuis plusieurs années et qui attestent que seulement 21% emplois fonctionnels sont à ce jour occupés par des femmes pour seulement 7.3% du corps. Le plafond de verre demeure et les candidatures féminines restent une minorité alors que notre corps est désormais à parité.
 
Le SMPS auditionné avant-hier dans le cadre de l’examen d’une PPL suer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique a fait part de ses propositions concrètes pour résoudre cette situation intolérable. En premier lieu, le relèvement à 50% du taux de primo-nomination et plusieurs autres obligations permettant de traiter aussi le taux de renouvellement dans ces emplois et l’atteinte des établissements les plus importants, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ni au sein des emplois fonctionnels ni au sein des CHU-CHR. L’atteinte de la parité ne pourra passer que par des choix courageux de la part des pouvoirs publics pour donner les moyens à toutes les Directrices et à tous les Directeurs d’accéder aux postes à hautes responsabilités.
 
Le SMPS est engagé depuis maintenant plusieurs années sur ce combat et demeurera vigilant sur ses avancées. L’égalité professionnelle ne peut plus être un objectif secondaire pour nos métiers et pour toute la fonction publique.
 
Mais, nous le savons, les autres raisons qui font de cette instance collégiale un moment particulier est qu’elle se tient dans un contexte oppressant pour les directeurs avec des mesures amenées à transformer en profondeur leur métier, leur exercice et le fonctionnement des établissements.
 
Au cœur d’une préoccupation sociale majeure, l’actualité hospitalière ne s’arrête pas et peine à se faire entendre malgré l’ampleur des enjeux.
 
C’est d’ailleurs à de nouvelles tensions qui auraient pu être anticipées que se préparent les Directeurs d’Hôpital à la veille de la mise en œuvre du plafonnement de l’intérim médical prévu par la Loi Rist. Le 3 avril 2023 est en effet le deuxième jalon à venir pour les chefs d’établissements.
 
Sur ce sujet le SMPS n’a eu de cesse d’alerter les pouvoirs publics et d’informer sur l’état de la situation sur tout le territoire. Si les établissements les plus éloignés des métropoles et les établissements de proximité demeurent les plus dépendants au mercenariat médical, il n’est plus possible de nier à quel point la majorité des établissements y est aujourd’hui contraints faute de ressources médicales, y compris pour certains CHU.
 
Le SMPS soutient la mise en œuvre de cette loi et appelle ses vœux à ce qu’elle ne soit pas repoussée. Les directeurs mobilisés au long cours sur la continuité des soins et les enjeux d’attractivité ne découvrent pas avec la loi Rist les moyens d’y remédier. Ils vivent au contraire assez mal de devoir en être les seules victimes expiatoires devant les tribunaux si tout s’effondre, comme dit depuis la promulgation de la loi. Ils prennent chaque jour leurs responsabilités pour le bon fonctionnement des établissements et le juste emploi des deniers publics. Ils entendent tous les mots de soutien de leur tutelle et de souhait de coopération active de la part des services Bercy.
 
Nous sommes attentifs à ce que chaque situation difficile dans les territoires ne s’accompagne d’une mise en cause des directeurs en place publique, comme leurs détracteurs dans leur confort habituel en ont l’habitude, pour dire que tout est de leur faute soit car ils n’ont pas payé assez, soit car ils n’ont pas restructuré assez.
 
A l’instar de la crise sanitaire ou de la crise des Urgences de l’été dernier, c’est une fois de plus les Directeurs qui devront trouver, avec leur communauté médicale, les solutions pour limiter au maximum les fermetures de lits et les suspensions d’activités qui auraient pu être évitables. Il faut aller au bout le mise en œuvre de la loi Rist, mais il faut y aller en soutien des directeurs d’hôpital et non contre eux.
 
Ce sont pourtant des territoires entiers qui risquent bientôt de ne plus être en mesure d’assurer la continuité des soins, dans des spécialités aussi cruciales que l’obstétrique, les soins critiques ou la chirurgie, mettant les Directeurs à la merci de populations pour qui cette situation est incompréhensible et inacceptable. Et nous ne sommes qu’au printemps. Ce qui laisse augurer le pire pour l’été à venir si aucune mesure d’ampleur nationale n’est faite pour relancer urgemment l’attractivité médicale dans les établissements publics.
 
Car le principal bénéficiaire à court terme de la loi Rist a de grandes chances d’être le secteur privé pour qui ce plafonnement ne s’applique pas. Les annonces des fédérations hospitalières du secteur privé précisant que leurs établissements s’appliqueront les mêmes tarifs de façon volontaires vont sans doute permettre d’atténuer cet effet de vases communicants. Au moment de la révision des programme régionaux de santé, c’est un clignotant orange foncé pour la pérennité du service public hospitalier que le SMPS encourage les pouvoirs publics à regarder.
 
Dans ce contexte de fragilisation de nos établissements, comment, une nouvelle fois donner du sens à la tenue jusqu’à la fin du mois des auditions dans le cadre de la mission Claris-Baille visant à définir les contours du fameux « tandem administratif-médical » ?
 
Auditionné, le SMPS a fait part de son incompréhension, à l’unisson des acteurs institutionnels de l’hôpital au premier rang desquels les PCME. Nous n’assistons certes pas au même florilège que lors des auditions au Sénat l’année dernière, où les caricatures sur le fonctionnement « bureaucratique », et « soviétique », sont allées bon train, mais les échos que prennent ces travaux ne sont pas de nature à nous rassurer.
 
Force est d’admettre que peu importe la forme que prendra ce nouveau tandem, on peine à trouver encore le sens et la finalité de cette réforme visant à mettre en œuvre ce qui existe déjà entre le chef d’établissement et le Président de CME. C’est d’ailleurs ce que n’ont pas manqué de rappeler les Présidents de CME au cours de leur audition.
 
Mais à quel autre constat pouvait-on décemment s’attendre quand le rapport Claris datant à peine de 2020 mettait déjà en lumière l’absence de problématique de fond dans le rapport entre le corps médical et les Directeurs ?
 
 Il s’agit donc de rappeler ici cette évidence : les Directeurs et les Médecins ont chacun leur rôle à jour dans la gouvernance, de façon complémentaire et en trinôme avec le Directeur des soins. C’est la ligne qu’a défendu le SMPS au cours de ces auditions et qu’il maintiendra.
 
Un grand flou demeure donc, que ce soit sur l’objectif de ce tandem ou sur les difficultés de gouvernance qu’il est soi-disant amené à résoudre.  Cette nouvelle refonte de la gouvernance que personne n’avait demandé vient par ailleurs remettre sur l’établis les mesures prises en matière de codécision à la suite des Ordonnances « Gouvernance » de mars 2021, et ce alors que personne n’est en mesure de dire si elles ont ou été ou non satisfaisantes faute de bilan réalisé sur leur impact.
 
On ne peut dans ces circonstances que déplorer le tâtonnement généralisé auquel nous assistons depuis bientôt trois mois et s’étonner d’une méthode de concertation dans la lettre de mission balise tellement le chemin qu’elle n’ouvre pas réellement de portes à la co-construction.
 
Cette énième velléité de transformation de la gouvernance résonne également pour de nombreux collègues comme une nouvelle remise en cause de leurs compétences à piloter les établissements de santé. Déjà se fait entendre chez certains l’hypothèse d’un départ vers d’autres responsabilités, faute de reconnaissance à la hauteur des efforts fournis depuis toutes ces années pour tenir à bout de bras des institutions exsangues.
 
Dans ces conditions dantesques :
– Avec le risque d’effondrement de filières entières à l’hôpital dans 10 jours et pour toujours
– Avec une attractivité absente et une activité qui ne reprend pas comme l’a documenté la FHF la semaine dernière à l’occasion du triste anniversaire du 1er confinement
– Avec des débats dénués de sens sur une gouvernance qui ne demande qu’à s’exercer de manière apaisée et efficace pour nos professionnels et nos institutions 

Les directeurs d’hôpital se sentent bien accablés et peu soutenus. Le flou entourant les contours de l’hypothétique arrimage à la haute FPE ne seront même pas un réconfort matériel en la circonstance, puisqu’il nous faudra encore patienter pour en débattre.
 

Tomber 6 fois, se relever une 7èmeSans doute est-ce la destinée de ceux et celles que nous sommes, directeurs qui tiennent à bras les corps et courent pieds nus le marathon sans fin de l’exercice périlleux de nos missions. Ce dont ont besoin les directeurs c’est de retrouver la sérénité qui leur fait défaut aujourd’hui. De telles attentes vont bien au-delà du champ des rémunérations mais questionnent en réalité tout ce qui fait notre métier. Pour sortir de la sinistrose, nous ne pourrons faire l’économie de ces réflexions.
 
Gageons que nous soyons au moins reconnus pour cet effort immense et collectif pour que nous ne soyons pas définitivement un jour au sol avec nos communautés et nos établissements.
 
Je vous remercie