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Projet de Loi 3DS: La Commission mixte paritaire sonne le glas de l’unicité du corps des D3S

Après des mois d’incertitude, la Commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur le texte de la Loi 3DS et en particulier de son article 40 rattachant désormais les Directeurs de la Protection de l’Enfance à la FPT. Cette décision acte le début d’un démantèlement du corps des D3S.

Le couperet est finalement tombé. Le 31 janvier dernier, la Commission Mixte Paritaire sur le projet de loi « relatif à la différenciation, à la décentralisation, à la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale », dite « loi 3DS »  est parvenue à un accord sur un texte entre les deux assemblées sans que l’article 40 qui y figure n’ait été rediscuté. Cette décision acte donc officiellement le rattachement des D3S au sein des Instituts Départementaux de l’Enfance et des Familles (IDEF) à la Fonction Publique Territoriale, et ce contre l’avis de l’ensemble des associations et organisations représentatives, notamment du GEPSO, le groupement national des établissements publics sociaux et médico-sociaux, de la COD3S, association nationale des D3S. Pendant toute l’année 2021, le SMPS n’a eu de cesse d’être à leurs côtés pour interpeller les pouvoirs publics, proposer des alternatives et alerter qu’une telle mesure se ferait au détriment de la carrière de ces professionnels mais également des usagers, qui sont déjà parmi les plus fragiles et les plus exposés de notre système de santé.

Une telle issue laissait cependant peu de doute. L’article 40 en question n’a en effet subi aucune modification depuis son dépôt au Sénat le 12 mai 2021, que ce soit en première lecture dans cette même chambre, ou devant l’Assemblée Nationale. Pourtant, la lecture des discussions sur le projet de loi montre que cet article n’a été que très peu discuté, et ce malgré le dépôt de plusieurs amendements issus de la majorité et de l’opposition et reprenant l’ensemble des arguments soutenus par le SMPS.

La promulgation de la loi, qui aura lieu probablement dans les semaines à venir eu égard au calendrier très chargé de cette fin de législature, actera officiellement un premier démantèlement du corps des D3S. Cette mesure concernera environ 120 collègues qui exercent des fonctions de direction d’établissement de l’aide sociale à l’enfance (ASE), dont 70 chefs d’établissement et 50 directeurs adjoints. Soit approximativement 9% du corps des D3S.

Le SMPS ne cache pas son regret, voire son amertume, face à une telle décision de la Représentation Nationale. Regret tout d’abord car notre voix n’a pas été entendue face aux intérêts des Conseils départementaux ; mais regret également car elle plonge les collègues concernés dans un désarroi compréhensible au regard des incertitudes que ce rattachement fait peser sur leur carrière. Regret, enfin, car il est difficile de comprendre en quoi une telle décision améliorera la qualité du service rendu.

La solution choisie ne répondra en effet pas à l’objectif affiché de simplifier la gestion du corps des directeurs de la protection de l’enfance, notamment vis-à-vis du conseil départemental qui assure le financement de ces établissements. Loin de vouloir jouer les Cassandre, le SMPS considère en effet que ce rattachement génèrera de nouvelles difficultés puisqu’en plus du démantèlement annoncé il affectera directement la gestion du corps des D3S, leur indépendance, leur formation et la qualité de leur travail en tant que professionnels. A cela s’ajoutent des conséquences sur les processus de recrutement puisque les futurs D3S souhaitant exercer dans le champ de l’enfance devront demander un détachement auprès du Conseil Départemental ou être recrutés sous contrat, rendant d’autant plus compliquée d’autant leurs mobilités et accroissant les incertitudes sur les équivalences de statut et le déroulé de leurs carrières. Ce sont autant de potentiels professionnels qui se détourneront du concours et de leur vocation, accélérant encore la perte d’attractivité de ces métiers essentiels et déjà signalée à maintes reprises. Le service public de la protection de l’enfance n’avait définitivement pas besoin de ce nouveau coup de boutoir.

Enfin, en intégrant la FPH et en étant directement recrutés par les Présidents des Conseils Départementaux, les Directeurs des Foyers pour l’enfance vont perdre l’indépendance dont ils bénéficiaient jusqu’alors et qui leur permettait de se positionner comme l’opérateur impartial de la protection de l’enfance. La capacité d’initiative et le droit d’alerte sur les politiques publiques dont ils disposent encore aujourd’hui demeurent un gage de cohérence territoriale et nationale sur leur mise en œuvre, ce qui ne sera plus le cas à la promulgation de la loi 3DS.

Nous ne pouvons terminer notre propos sans souligner que cet isolement de la protection de l’enfance va à l’encontre de près de deux décennies de décloisonnement des institutions, et d’un d’un rapprochement entre l’hôpital et les secteurs social et médico-social. La crise sanitaire de a surcroît démontré à quel point la transversalité et la fluidité de la transmission d’informations entre l’ensemble des services publics de santé avait été un atout en période de crise. Or, près de 30% des enfants accompagnés le cadre de la protection de l’enfance sont également suivis pour des troubles du comportement en Institution Médico-Éducatif (IME) et / ou pour une situation de handicap en Institut Thérapeutique, Éducatif et Pédagogique (ITEP). De plus, leur formation est assurée par l’EHESP qui les prépare à la gestion des structures relevant du champ sanitaire, social et médico-social, or ces formations ne sont pas assurées par la fonction publique territoriale. Cette formation, indispensable, est pourtant un gage de qualité de service.

A clamer l’absence de spécificités des D3S par rapport aux autres corps de directions de la FPH, certaines organisations syndicales ont creusé la tombe de l’unicité de ce corps. En préférant orienter les débats sur une sempiternelle fusion aux avantages hypothétiques, ils ont négligé de se battre pour des revalorisations concrètes, pragmatiques et immédiates qui auraient renforcé les D3S et empêché un tel démantèlement. Nous pouvons aujourd’hui en voir les résultats.

Dès lors, quelles seront les prochaines étapes ? Le transfert du handicap ? de la dépendance ? la suppression pure et simple du corps des D3S au profit de cadres territoriaux répondant directement aux exécutifs locaux ?

Conscient des inquiétudes que cette situation nouvelle créera chez nombre de collègues D3S, le SMPS s’engage à être toujours aux côtés des Directeurs concernés par ce rattachement à la FPT. Vous pouvez également compter sur le SMPS pour s’opposer fermement à toutes nouvelle entaille dans le corps des D3S. Le service public a besoin de ces professionnels de haut niveau et nous entendons bien continuer de les défendre à leur juste valeur.

Le SMPS porte la vision des directeurs et des cadres hospitaliers, fidèle aux valeurs d’un service public de santé tourné vers l’avenir