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CAPN DH du 7 avril 2022: Face à des hôpitaux au bord de l’implosion, il est urgent de balayer les incertitudes et de fixer un cap

Déclaration Liminaire

7 avril 2022

Nous sommes réunis aujourd’hui pour une CAPN dont l’ordre du jour famélique est à l’image de ses prédécesseurs. Si cela continue nous allons devoir trouver à chaque séance de nouveaux synonymes pour qualifier cet état de fait.

En effet, avec un seul recours sur évaluation et deux situations relatives aux recherches d’affectation, nous avons là l’illustration du grand rétrécissement des compétences d’une instance qui fut jadis un lieu respecté du dialogue social.

Nous devrons un jour faire face à un ordre du jour vidé de sa substance, comme l’ont vécu les directeurs de soins, faute de situations individuelles sur lesquelles se prononcer. Alors les effets délétères de la loi de Transformation de la Fonction Publique révèleront toute la vacuité du rôle désormais dévolu aux CAPN.

Ce constat, le SMPS le regrette car le besoin d’un vrai dialogue social avec l’État est criant.

Quotidiennement les collègues nous font remonter la dégradation de leurs conditions de travail, la tension sur le climat social dans nos hôpitaux et, l’absence de perspectives favorables pour les établissements auquel ils consacrent toute leur énergie et leurs compétences. Leurs difficultés sont pourtant connues et ils sont nombreux à encore espérer que ce dialogue avec les tutelles aboutisse à des solutions collectives permettant de sortir de l’ornière dans laquelle l’hôpital public semble sombrer depuis bien trop longtemps, bien avant la crise sanitaire.

Ces attentes, dont nous tentons d’être les porte-parole, se confrontent pourtant à la raréfaction de ces rendez-vous paritaires et à l’illisibilité des modes de pilotage de nos métiers.

A la fin 2021, fut présenté au cours de la précédente CAPN la parade à ce délitement du calendrier social devait passer par la mise en place de multiples groupes de travail ayant vocation à couvrir l’ensemble des problématiques affectant la carrière des DH, et ce afin de se caler sur les ambitions du COP 2021-2025 du CNG.

Nous nous interrogions déjà à l’époque sur le contenu effectif de ces ateliers, pas dupes sur le fait qu’ils n’étaient qu’un palliatif et que le calendrier resserré dans lequel ils s’inscrivaient allait forcément se percuter avec les échéances électorales à venir.

Une fois ceux-ci passés, quel bilan en tirer ? Nous sommes mitigés. A plus d’un titre. Personne ne s’attendait à des solutions miracle, mais force est de constater que celles-ci ne répondent que partiellement aux maux qui traversent le corps des DH.

Ainsi, les propositions faites en matière d’accompagnement des Directeurs ou de GPMC sont certes louables et intéressantes pour le renouvellement de nos pratiques managériales, mais elles s’avèrent encore trop peu réactives pour traiter aux situations individuelles ou ne prennent pas suffisamment compte les réalités des conditions d’exercice à l’heure des GHT.

Certains sujets cruciaux ne sont par ailleurs encore que trop peu abordés, notamment en ce qui concerne la prévention des RPS ou la santé au travail des Directeurs, axes majeurs. Le déroulement de ces groupes tout au long du premier trimestre, mais également l’absence de calendrier de mesures ou de travaux de fond les accompagnant, ne font que mettre en exergue l’attente et les perspectives d’ensemble attendues sur le devenir de nos métiers.

Parlons de nos sujets statutaires : grâce à notre action, le tableau d’avancement à la Hors classe des DH a finalement abouti à une nouvelle LDG basée sur des critères plus équitables et objectifs. Injecter une dose d’équité dans ce parcours du combattant qu’est l’accès à la Hors Classe pour les DH se justifiait d’autant plus au regard des conditions de mobilités et d’ancienneté auxquelles sont soumis les collègues, en sus du quota imposé par la loi TFP.

Cette accumulation de conditions fait toujours du passage à la Hors-classe des DH un des plus sinueux de toute la haute fonction publique. Le fait que nous ne soyons d’ailleurs toujours informés ni de la date de publication du tableau d’avancement pour 2022 ni du quota qui sera appliqué aux candidats remplissant les conditions de promotion est incompréhensible et n’est également pas un gage de sérénité pour les collègues qui sont depuis plusieurs mois en attente d’une décision.

Enfin, la mise à jour d’un tableau des emplois fonctionnels pour 2022 corrigé des erreurs constatées lors de sa publication en février dernier se fait toujours attendre ; publication qui s’était d’ailleurs fait sans aucune concertation,. Celui-ci affecte directement les situations individuelles et cela n’est pas acceptable. Le maintien des quotas sur les emplois fonctionnels nous conduit de toute façon dans une impasse, faute d’engagement sérieux de la part de l’État à accroître enfin leur nombre, et ce malgré les évolutions évidentes de la gouvernance de nos établissements notamment avec la mise en œuvre des directions communes et des GHT.

Pendant ce temps, sur le terrain, les Directeurs ne voient toujours pas d’embellies. Il faut dire que personne ne les annonce, ce qui évite logiquement les espoirs déçus.

Pourtant, sur l’ensemble du territoire national, rares sont ceux qui ne sont pas confrontés à des établissements au bord de l’implosion tant l’ensemble des indicateurs sont passés au rouge vif ces derniers mois. Entre le climat de tension permanente, la durée de la crise sanitaire, l’épuisement généralisé des agents, le manque de souplesse des tutelles et les profiteurs de crise que sont les mercenaires médicaux, il ne se passe désormais pas une journée sans qu’on apprenne qu’un centre hospitalier s’apprête à suspendre ses urgences ou sa maternité.

L’exemple du CHR d’Orléans est d’ailleurs un véritable coup de tonnerre puisque cela signifie que même un établissement de cette taille, dans une métropole, peut maintenant être à deux doigts de craquer.
Et le pire est à venir avec l’été qui s’approche et qui amène avec lui un défi quasi impossible à relever pour assurer la continuité des soins. Nous avons besoin d’une prise de conscience nationale pour régler cette situation de pénurie de professionnels médicaux et soignants, au risque, sinon, d’aller vers un scénario catastrophe encore jamais atteint dans un pays qui se vantait encore il y a quelques années d’avoir le meilleur système de santé du monde.

Mais pour répondre au cataclysme sanitaire qui s’annonce, quelle a été à ce jour la réponse de l’État ? Incriminer les Directeurs.

Avec la loi Rist, d’abord, votée il y a près d’un an maintenant, qui rend les collègues responsables juridiquement en cas de recrutement d’intérims ; Ils auront désormais ironiquement le choix entre assurer la permanence des soins à la population, et risquer d’être trainé devant la Cour de Discipline Budgétaire et Financière, ou suspendre partiellement ou totalement l’activité des services dont ils sont responsables, et risquer cette fois la garde à vue ou le Tribunal correctionnel si cela devait mettre en danger la vie des patients.

Ces dispositions sont à ce jour suspendues certes, mais jusqu’à quand ? Et n’est-il pas absurde de se dire que l’hôpital public ne tient que parce que la Loi votée n’est pas appliquée ? De quoi donner du grain à moudre à ceux qui accusent nos établissements d’être étreints par des administrations kafkaïennes. Nous leur rappellerons alors qu’elles ne sont pas où l’on pense.

Le SMPS avait alerté sur le danger d’une telle mesure dès son annonce et tiré la sonnette d’alarme. Mais, si on nous avait annoncé la suite, nous n’aurions pu y croire.

La suite ce n’est autre que l’annonce en février dernier de la création du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics par application de la Loi de Finances 2022, qui, combiné à la Loi Rist, promet des choix cornéliens pour bien des collègues.

Que les conséquences de cette réforme pour les directeurs d’hôpitaux n’aient pas été considérées par les pouvoirs publics après les 24 mois de crise sanitaire que nous venons de connaître reste sidérant et montre une fois encore le peu de soutien de l’État pour nos métiers.

Enfin, nous demeurons depuis des mois maintenant dans l’attente de la fin de garantie de financement, qui charrie son lot d’incertitudes pour l’avenir des hôpitaux. Il semble inconcevable pour un établissement de santé de se projeter, d’investir ou de développer de nouveaux projets sans qu’il soit capable d’anticiper le mode de financement auquel il sera soumis dans les années à venir.

Le consensus est aujourd’hui d’admettre que la T2A sous sa forme actuelle a vécu et qu’il faille désormais passer à des modes de financement plus fins et aptes à éviter de tomber dans les mêmes écueils. Pourtant, de ces déclarations rien de concret n’est ressorti et à l’incertitude risque plus que jamais de succéder l’instabilité tant le silence assourdissant sur ce débat de fond nous rend perplexe.

Face à questions toujours aussi peu de réponse.

Aucune piste concrète, aucune stratégie d’ensemble, aucun calendrier.

D’aucuns auraient l’impression d’un éternel recommencement dans les dossiers que nous soulevons ici. Mais dans de telles conditions, historiquement dégradées pour nos hôpitaux, quelles perspectives présenter à nos collègues ? et a fortiori à ceux qui veulent nous rejoindre et qui passeront d’ici quelques mois le concours d’entrée à l’EHESP ? Alors que l’on ne cesse de parler des enjeux d’attractivité des établissements publics pour attirer des soignants, quand prendrons-nous conscience que cette question se pose aussi pour les fonctions de direction ? 

Mais ne croyez pas que nous cédions au pessimisme. Le corps des DH est composé de femmes et d’hommes qui démontrent chaque jour le sens et la valeur du service public. Nous serons à nos postes comme Sisyphe face à son rocher, comme nous l’avons été au cours des différentes crises émaillant l’hôpital depuis des années, comme nous l’avons été au début de la pandémie, comme nous l’avons été au cours des campagnes de vaccination, comme nous le sommes encore alors qu’on parle benoitement de « retour à la normale ». Nous l’avons été, et nous le serons. Mais pour combien de temps ?

A l’heure où nous sommes appelés aux urnes, l’avenir de l’hôpital a été l’un des principaux sujets des débats électoraux mais de façon trop caricaturale, et ce malgré le contexte international que nous connaissons tous. Cela démontre à quel point ce sujet compte, et à quel point il sera important dans les années à venir car ça n’est pas seulement de son avenir dont on parle, mais réellement de sa survie.

Pourtant, il faut admettre que ce débat reste en surface, et que la question de la gouvernance hospitalière ne remue pas les foules, celles des conditions d’exercice des DH d’autant moins. En vérité, une fois passé l’émotion à la suite des violences subies par nos collègues ultramarins, le leitmotiv du bashing, plus silencieux mais rarement démenti, a retrouvé sa cadence et ce jusqu’à la plus haute Chambre parlementaire.

Hasard du calendrier, nous sommes aujourd’hui le 7 avril, soit la date de la journée mondiale de la Santé. Il serait bien opportun que cela inspire les pouvoirs publics à prendre à bras le corps les enjeux que nous ne cessons de soulever à chacune de nos instances.

En ce qui concerne le corps des DH, celui-ci n’est pas à la dérive, pas encore, mais il a plus que jamais besoin d’un cap auquel se fixer.


Le SMPS porte la vision des directeurs et des cadres hospitaliers, fidèle aux valeurs d’un service public de santé tourné vers l’avenir