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Résultats de l’enquête SMPS sur les agissements sexistes, le harcèlement sexuel et les violences sexistes et sexuelles chez les manageurs de santé

Caroline Chassin, chargée du projet égalité professionnelle du SMPS, lors du Congrès annuel 2021 du SMPS
Lundi 27 septembre 2021

Pourquoi une telle enquête diligentée par le SMPS?

Engagé depuis plusieurs années sur le sujet de l’égalité professionnelle, le SMPS a été contacté par une jeune collègue élève directrice d’hôpital qui souhaitait mener les travaux de son mémoire de fin d’année sur le sujet. Le SMPS a donc diligenté une enquête sur la situation des agissements sexistes et du harcèlement sexuel chez les manageurs de santé.
Depuis le mouvement #Metoo, nombreuses sont les études qui révèlent des agissements inacceptables :

  • dans tous les milieux professionnels,
  • auprès de toutes les catégories professionnelles.

Objectifs :

  • Objectiver la situation du sexisme et des violences sexuelles chez les manageurs de santé,
  • Proposer des actions concrètes pour accompagner les collègues qui en sont victimes,
  • Promouvoir un management respectueux des valeurs que nous prônons au quotidien.

Structuration de l’enquête

  • 1 question simple est posée au répondant : « au cours de votre vie professionnelle, vous est-il déjà arrivé sur votre lieu de travail de faire l’objet … », avec la possibilité de répondre soit en tant que victime, soit en tant que témoin.
  • 11 réponses classées par ordre de gravité, du sexisme de base à l’agression sexuelle caractérisée.
  • La possibilité de témoigner anonymement en rapportant les faits vécus ou rapportés.

Analyse du panel des répondants

La collecte des réponses s’est organisée sur les mois de juin et de juillet, près des 300 manageurs de santé ont répondu.
Parmi eux, 76 % sont des femmes et 22 % des hommes, 2% n’ont pas souhaité le préciser.

Plus de la moitié des répondants sont des directeurs d’hôpital, près d’un quart sont des cadres de santé.

*Répartition des répondants par catégorie de manageur de santé
L’ensemble des résultats de l’enquête est accessible sur ce lien.

L’enseignement principal est l’importance de la prévalence de situations d’agissements sexistes, d’harcèlement sexuel et de violences sexistes :Au cours de votre vie professionnelle, vous est-il déjà arrivé sur votre lieu de travail de faire l’objet..

Quelques témoignages anonymes :

Un supérieur hiérarchique direct homme m’a déjà dit « Il ne faudrait pas que ta façon de t’habiller excite les collègues chefs d’établissement en Comité stratégique ».

J’ai travaillé en CH où le chef d’établissement manageait dans les hurlements pour prendre le pouvoir sur « son équipe de femelles », tenait des propos sexistes régulièrement, nous humiliait moi et mes collègues en faisant référence au fait que nous soyons des femmes alors que nous étions en réunion ou en présence d’élus.

J’ai bossé en CHU au service travaux avec un ingénieur qui disait que « les bonnes femmes n’avaient rien à faire dans ce genre de service », ce qui a décomplexé le sexisme des techniciens de l’équipe. Toutes les femmes ont démissionné une par une. La médecine du travail n’a rien fait. La DRH n’a rien fait.

Faudrait pas que tu te fasses une réputation de fille « promotion canapé », ça va vite ce genre de choses.

Très régulièrement, le Président de CME faisait des remarques sur la façon dont j’étais habillée, me massait les épaules ou me serrait dans ses bras. Il le faisait en privé mais le plus souvent en public. C’était mon premier poste.

Un collègue homme continuait à me toucher les épaules et le dos chaque matin pour me dire bonjour alors que je lui avais signifié (à 2 reprises) que cela me gênait énormément et que je souhaitais que ça ne se reproduise pas.

Mon hiérarchique avait l’habitude de me demander de passer en fin de journée (après 18h) dans son bureau pour échanger sur les dossiers. Il a tenté à plusieurs reprises de m’embrasser. Il me demandait de l’aider sur son ordinateur en restant assis sur sa chaise de bureau sans s’éloigner suffisant. A ces occasions, il frôlait mes fesses.

Lors d’une instance, je suis sortie pour aller dans les toilettes et un élu est venu dans les toilettes, m’a coincé contre le lavabo et m’a demandé de l’embrasser. Même personne qui m’avait invitée à diner.

Un médecin du travail de par sa fonction a fait pression pour me faire un examen gynécologique pour constater ma grossesse. Je m’y suis vivement opposé lui rappelant ses fonctions, il s’est fâché et était en colère. En sortant de son bureau, j’étais tellement ébahie que je me suis questionnée me disant que ce n’était pas possible… J’ai appris par la suite que d’autres collègues avaient subis des remarques mais il a touché les seins de jeunes filles venant pour un travail étudiants : il a prétexté un examen des seins…

Un collègue a sonné chez moi tard, est rentré boire un verre. Il a tenté de m’embrasser puis s’est masturbé sur mon canapé tandis que je préparais les verres.

Un viol a été déclaré par une victime dans le cadre de cette enquête. Deux autres ont été signalés par des personnes connaissant des victimes.

D’autres éléments saillants doivent retenir notre attention :

Les victimes déclarées sont toujours à 80% ou plus des femmes (elles sont 76% à avoir répondu à l’enquête).
Le lien de subordination hiérarchique entre la victime et l’auteur est majoritaire.
Seuls 33,8% des répondants indiquent avoir signalé les agissements vécus.
Alors qu’une majorité des témoins s’adresseraient à leur supérieur hiérarchique pour signaler des agissements sexistes ou des violences sexuelles, les victimes s’adressent quant à elles majoritairement à des recours autres que la DRH, la médecine du travail, le supérieur, un collègue, les syndicats, l’entourage ou encore les forces de l’ordre…

L’avis des répondants pour élaborer un plan d’actions :

  • 82,1% : l’hôpital doit avoir une position institutionnelle forte.
  • 68,3% : des sanctions proportionnées à la gravité des agissements.
  • 53,4% : des formations et sensibilisations devraient être mises en place.
  • 51,8% : un protocole de signalement et de prise en charge des victimes doit être élaboré.
  • 51,5% : une politique d’établissement active sur la thématique de l’égalité homme/femme.

Parmi les propositions d’actions concrètes formulées par les répondants :

  • Créer une cellule dédiée au sein du centre national de gestion
  • Créer une autorité supérieure indépendante des établissements
  • Réaliser un travail sur le rapport au pouvoir, à l’autorité, sur le respect et sur la culture du monde de la santé
  • Evincer systématiquement les personnes coupables
  • Protéger les victimes lorsqu’elles dénoncent les faits
  • L’appliquer la parité dans les équipes de direction
  • Sensibiliser particulièrement des membres du CA et de la CME sur le sujet
  • Identifier des référents sur le sujet au sein des établissements

L’action et les engagements du SMPS

Cette enquête ayant permis de mieux appréhender la situation du sexisme et des violences sexuelles chez les manageurs de santé, notre syndicat s’engage à proposer avant la fin de l’année 2021 un plan d’actions permettant aux victimes d’être accompagnées dans leur parcours professionnel en étant défendues par le SMPS.

D’ores et déjà les actions suivantes ont été identifiées :

Lutter contre le harcèlement sexuel

1) Demander l’organisation dans chaque établissement une campagne de sensibilisation au harcèlement sexuel au travail
2) Demander la mise en place dans chaque établissement et au niveau du CNG un dispositif de signalement du harcèlement sexuel
3) Mettre à disposition au niveau du SMPS d’un conseil juridique auprès des manageurs/manageuses victimes

Combattre le sexisme au quotidien en le rendant visible

4) Mettre en place des formations dans les établissements et à l’EHESP sur le sexisme au quotidien. Le SMPS pourra y contribuer
5) Utiliser les réseaux du SMPS pour sensibiliser l’opinion à une communication respectueuse de l’égalité F-H
6) Créer des espaces de lutte contre le sexisme dans chaque région sous la responsabilité des secrétaires régionaux du SMPS

Le SMPS porte la vision des directeurs et des cadres hospitaliers, fidèle aux valeurs d’un service public de santé tourné vers l’avenir